Le tourisme « slow » est définitivement une tendance en Suisse et ailleurs, dit Kevin Quattropani, président de l’association « Les plus beaux Villages de Suisse »

Kevin Quattropani, président de l’association « Les plus beaux Villages de Suisse », nous révèle le secret de la prospérité de la Suisse, parle des nouvelles tendances du tourism « slow » et nous fait la liste des plus beaux villages du pays.

Interview: Irina Rybalchenko

Pourquoi la Suisse a la réputation internationale comme l’un des pays les mieux gérés au monde. Quel est votre secret ?

C’est une bonne question, nous nous demandons souvent quel est le « secret ». Je crois que la tolérance et le respect de la diversité en sont la base. Notre pays est petit, mais il est situé au centre de l’Europe et possède trois cultures distinctes (l’italienne, la française et l’allemande) qui cohabitent pacifiquement parce qu’elles se respectent les unes les autres.

La démocratie directe est très importante pour nous et nous la prenons au sérieux, de sorte que la population participe largement à la gestion de l’État. Bien sûr, aujourd’hui, la situation internationale exerce une pression sur notre neutralité et il n’est pas toujours facile de l’exercer, mais étant géographiquement au centre de l’Europe, je pense que c’est compréhensible.

Quelle est l’histoire de l’association ? Ses principes sont-ils conformes à ceux de la France et de l’Espagne ?

L’association « Les plus beaux Villages de Suisse » a été fondée en 2015 à Lugano, au Tessin. Elle compte aujourd’hui 49 villages membres ; 22 en Suisse alémanique, 19 en Suisse romande, 7 en Suisse italienne et 1 dans la Principauté du Liechtenstein. La force de nos villages réside dans leur diversité. En seulement 40 minutes de voiture, vous passez des palmiers et de l’ambiance méditerranéenne du bourg d’Ascona aux pins et au paysage alpin du village Walser de Bosco Gurin.

On passe de villages très connus comme Gruyères et Grimentz à des villages semi-inconnus (mais très authentiques) comme Tschlin ou Bursins. Bref, une grande variété dans un petit pays comme la Suisse. Notre charte de qualité s’inspire notamment des associations françaises et italiennes des plus beaux villages. Les critères sont très similaires pour toutes les associations membres de la fédération internationale.

Triesenberg, © Christian Guerra / Swissvillages

Depuis 2017, vous êtes membres de la Fédération Mondiale des Plus Beaux Villages de la Terre avec l’Espagne, la France, l’Italie, la Russie, le Liban, la Wallonie, la Saxe et le Japon. Qu’est-ce que cela signifie ? Existe-t-il des itinéraires touristiques communs avec ces pays ?

L’appartenance à une fédération internationale est très importante pour nous. En effet, nous croyons fermement à la collaboration entre les nations et nous constatons que lorsque nous partageons des objectifs et des méthodes, le travail en commun se fait naturellement. Nous avons beaucoup appris des associations française et espagnole.

Actuellement, chaque association nationale dispose de son propre réseau de routes touristiques, mais nous travaillons à la mise en place d’un réseau européen. En effet, de nombreux villages se trouvent à proximité de la frontière en Espagne, en France et en Suisse, et un itinéraire transfrontalier peut être envisagé.

Quelle est l’histoire de la présence du village du Liechtenstein sur la liste des plus beaux villages de Suisse ? D’autres États nains comme Andorre, par exemple, peuvent-ils s’inscrire sur la liste et quelles sont les conditions d’inscription ?

Le Liechtenstein est un petit pays qui ne compte que 11 communes. Il n’aurait donc pas été intéressant pour eux de créer une association regroupant uniquement les plus beaux villages de leur pays, une certaine masse critique est nécessaire pour créer un réseau. Il nous a donc semblé naturel d’intégrer Triesenberg, le plus beau village de la Principauté, dans notre réseau.

L’Andorre possède également de très beaux villages et, à mon avis, au moins trois d’entre eux mériteraient de faire partie d’un tel réseau. Compte tenu de la situation géographique, il serait plus naturel de rejoindre le réseau espagnol ou français, mais en raison de leurs statuts actuels, ce ne sera probablement pas si facile. Comme, outre le Liechtenstein, nous avons des contacts avec d’autres petits États, nous réfléchissons à la possibilité de créer un réseau des plus beaux villages des micro-États européens, et dans ce cas, l’Andorre s’y prêterait parfaitement.

Gruyères, © Christian Guerra / Swissvillages

Existe-t-il des statistiques sur les touristes étrangers qui visitent les plus beaux villages de Suisse et quel est leur pourcentage par rapport à l’ensemble du tourisme étranger en Suisse ?

En Suisse, les statistiques se réfèrent davantage au canton qu’à la commune, mais il ne fait aucun doute que le pourcentage de touristes visitant des lieux plus éloignés que l’itinéraire classique Zermatt-Interlaken-Saint-Moritz ne cesse d’augmenter. Suisse Tourisme l’a d’ailleurs remarqué en mettant l’accent sur les villages et les régions rurales. Beaucoup de nos maires ont constaté une nette augmentation du nombre de voitures immatriculées à l’étranger, en particulier dans les villages qui ne connaissaient auparavant qu’un tourisme très local. D’une manière générale, le tourisme « slow » et la recherche de localités authentiques sont définitivement une tendance en Suisse (et ailleurs).

Ascona, © Christian Guerra / Swissvillages

Pourriez-vous indiquer les beaux villages les plus visités de Suisse ? A quoi cela est-il dû : légende, logistique, infrastructure, architecture, prix ?

Les plus beaux villages les plus visités de notre réseau sont en Suisse romande Gruyères et Grimentz, en Suisse alémanique Bergün et Bremgarten, et en Suisse italienne Ascona et Morcote. Gruyères doit sa renommée à son beau château et à son célèbre fromage, tandis que Grimentz doit sa notoriété à son vieux châlet et au ski. À Bergün, on trouve la plus longue piste de luge d’Europe et le chemin de fer de l’Albula, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, tandis qu’à Bremgarten, on trouve le plus grand marché de Noël de Suisse et une vieille ville tout à fait remarquable. Enfin, Ascona domine le lac Majeur avec ses belles maisons colorées, tandis qu’à Morcote, on trouve une végétation méditerranéenne luxuriante et de vieilles arcades en bois sur les rives du lac de Lugano.

Bremgarten, © Christian Guerra / Swissvillages

Combien de demandes sont actuellement en attente ? Quelle est la durée de la procédure à suivre une demande ?

Il est également possible pour un village de poser sa candidature, mais c’est généralement notre comité scientifique qui évalue les différentes municipalités, auxquelles une lettre d’invitation est ensuite envoyée. Les communes suisses ne sont pas très actives à cet égard et doivent être sensibilisées. La procédure d’admission (nous avons actuellement 3 demandes en cours) peut durer de trois semaines au minimum à six mois au maximum, en fonction de nombreux facteurs. Nous essayons également de tenir compte du réseau dans son ensemble et donc de l’emplacement de chaque village afin de le rendre le plus présent possible dans le pays. Nous sommes actuellement présents dans 18 des 26 cantons.

Quelle exactement est la coopération avec les associations en France, en Espagne et dans d’autres pays ?

La fédération des plus beaux villages de la Terre se réunit au moins une fois par an. La dernière a eu lieu il y a peu de temps, en mai, dans la préfecture de Kyoto, au Japon. Ces rencontres permettent d’échanger des idées et des « bonnes pratiques » au sein du réseau international. En tant que Suisses, nous favorisons la collaboration bilatérale, ce qui nous permet d’avoir une synergie plus étroite, des projets communs et des réunions plus fréquentes avec l’Italie, la France et l’Espagne en particulier. En septembre, le comité scientifique de l’association des plus beaux villages de France se rendra dans notre village de Dardagny, dans le canton de Genève, pour un échange de vues.

Dardagny, © Christian Guerra / Swissvillages

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