L’investissement étranger représente environ 18 % du PIB d’Andorre, dit Pere Augé, PDG et associé fondateur de l’entreprise Augé Holding Group

L’argent est multifonctionnel. Et pourtant, la fonction principale de l’argent est l’achat de biens et de services, ce qui nous permet de déterminer leur valeur marchande. Le pouvoir d’achat de la population est l’un des principaux indicateurs du développement économique et social d’un pays. Quel est le pouvoir d’achat en Andorre actuellement ? Comment résoudre le problème du logement? A ces questions et à bien d’autres répond Pere Augé, PDG et associé fondateur de l’entreprise Augé Holding Group.

L’interview: Irina Rybalchenko

L’effet post-pandémique a fait grimper les prix de manière globale et l’inflation a affecté le pouvoir d’achat des citoyens. Le gouvernement andorran devait réagir à cela. À partir de 2022, un certain nombre d’initiatives a été lancé pour contribuer à augmenter le pouvoir d’achat des citoyens. Sur quoi portent ces initiatives législatives?

En effet, la pandémie a eu un impact sans précédent sur l’économie mondiale. Le monde s’est arrêté, les usines ont arrêté leur production. Une fois l’activité rétablie, le coût du “redémarrage des moteurs” a rendu les marchandises et leur coût de transport plus chers. Cela a entraîné une augmentation des prix. Ainsi, 2021 s’est terminée avec une croissance de l’IPC de 3,3 %, et l’inflation en 2022 a été encore plus évidente avec une croissance de l’IPC de 7,1 %.

Face à ce phénomène, le gouvernement andorran a augmenté le salaire minimum mensuel à 1 157 euros et l’a modifié à nouveau, notamment en raison des conséquences de la guerre en Ukraine et de l’augmentation du coût du carburant. En mai 2022, le salaire minimum en Andorre atteignait 1 201 euros.

La loi 17/2022 du 9 juin, sur les mesures visant à augmenter le pouvoir d’achat des citoyens afin de lutter contre ce déséquilibre entre l’inflation et les salaires, a justement approuvé une réévaluation des salaires inférieurs à 27 130 euros par an de 3,3 % pour les salaires qui n’ont pas augmenté depuis les douze derniers mois ou qui n’avaient pas atteint un certain seuil. Dans le même sens, les pensions ont été augmentées de 3,67 %.

De même, une somme d’urgence exceptionnelle a été approuvée dans ce même texte de loi pour financer toute une série d’aides supplémentaires également liées à cette lutte contre la perte de pouvoir d’achat. Rappelons que des mesures ont été mises en place pour améliorer l’accès à des bourses d’études, au carburant, au chauffage en hiver ou pour établir la gratuité généralisée des transports en commun.

En janvier de cette année, des mesures supplémentaires ont été prises pour indexer les salaires dans le pays, si je me souviens bien…

Absolument. L’inflation a culminé en fin d’année avec un IPC de 7,1 %. La loi 6/2023 du 19 janvier, sur les mesures urgentes pour augmenter le pouvoir d’achat des citoyens et en ce qui concerne le logement locatif, entre autres, est de nouveau convenue de la revalorisation des salaires. Les salaires jusqu’à 48 000 euros par an ont été indexés de 7,1 % pour les salaires les plus bas, ce taux diminuant progressivement jusqu’à atteindre le niveau maximal établi. L’indexation se faisait proportionnellement selon une certaine formule mathématique. Les pensions ont évolué de la même manière, avec 7,1% d’augmentation.

Ainsi, le salaire minimum a été rehaussé, atteignant 1 286 euros par mois.

De même, comme les années précédentes, les baux arrivant à terme et n’excédant pas 1 500 € mensuels sont obligatoirement reconduits d’un an. La loi 6/2023 renforce encore davantage cette mesure en limitant les augmentations de loyer pour les contrats en prorogation tacite ou achevés à un maximum de 5 % (malgré un IPC de 7,1 %), abaissant la limite d’augmentation à 2 % pour les contrats en cours.

Ainsi, en général, on peut dire que le gouvernement andorran a répondu de manière adéquate à l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat de la population, en prenant des mesures audacieuses, qui n’ont cependant pas plu à tout le monde.

Quel est le pouvoir d’achat actuel de la population d’Andorre et comment peut-il être calculé ?

Si l’on part du salaire minimum, on constate qu’à partir de 2022 celui-ci a augmenté de 14% pour atteindre 1 286 euros, et en ce moment il est le septième plus élevé par rapport aux pays de l’UE, derrière le Luxembourg (2 387 EUR), l’Allemagne (1 987 EUR) , la Belgique (1 955 EUR), les Pays-Bas (1 934 EUR), l’Irlande (1 910 EUR) et la France (1 709 EUR). L’Espagne est en dessous avec 1 260 EUR, mais le revenu minimum en Suisse, loin devant, atteint les 3 901 EUR.

Selon les données récentes, le salaire moyen en Andorre est de 2360 euros, alors que le salaire moyen réel était il y a peu d’environ 1870 euros par mois, ce qui nous permet de mesurer le pouvoir d’achat moyen potentiel de notre population, qui doit aller faire ses achats au supermarché et payer son loyer.

Nous avons vu des mesures prises pour contenir l’impact inflationniste sur le logement. Mais en Andorre, il y a eu un double phénomène. Il y a des habitants qui achètent de nouveaux logements de luxe, faisant gonfler les prix…

Le vrai problème n’est pas l’investissement étranger. Andorre doit avoir des logements haut de gamme, comme n’importe quel pays du monde. Les clients fortunés génèrent des revenus dans d’autres secteurs, ce qui a donc un effet positif sur l’économie du pays. Il serait absurde de blâmer l’investisseur étranger et de le diaboliser comme la cause de tous les maux de la société, notamment en matière de logement.

Les principales tensions sont motivées essentiellement par le manque d’offres et la demande excédentaire de logements à un prix abordable.

Que signifie un prix abordable ?

Il serait plus approprié pour moi de dire acceptable, car tout le monde, malgré l’aide, ne peut pas se le permettre.

Le problème du logement en Andorre est enraciné dans un passé lointain. Historiquement, les différents gouvernements n’ont pas poursuivi une politique active d’accès au logement acceptable ou abordable. La pandémie et le phénomène inflationniste ont fini par exacerber ce problème. Le gouvernement actuel est contraint de mener une politique active dans le domaine de la construction de logements neufs à un prix abordable.

Quant aux investissements étrangers, il faut se souvenir de ce qu’était l’économie du pays en 2011, au plus fort de la crise mondiale et en proie à une autre crise, interne celle-ci, due à l’épuisement du modèle économique traditionnel. L’ouverture économique et la libéralisation des investissements étrangers en faveur de la diversification économique étaient la seule solution. Cela nous a permis de récupérer, à un bon rythme, encore meilleur que celui d’autres pays autour de nous.

Est-ce à dire que sans investissements étrangers le pays serait aujourd’hui encore en récession ?

L’investissement étranger représente environ 18 % du PIB d’Andorre. Sans cet apport de richesses, notre pays ne se développerait pas comme il le fait actuellement, selon les statistiques. Cependant, on ne peut nier le déséquilibre entre l’effet des investissements étrangers et le manque d’offre de logements abordables.

Pour vous, quelle serait la solution au problème du logement?

J’en ai parlé plusieurs fois et je ne vois qu’une seule solution. Il s’agit d’une coopération réelle et efficace entre les secteurs public et privé. Parallèlement à une stratégie du gouvernement consistant à acheter des immeubles privés pour les transformer en logements locatifs abordables, il doit y avoir une stratégie globale pour le pays. En coopérant, les sept paroisses d’Andorre devraient jouer un rôle majeur, en tenant compte des besoins réels et en cédant des terres à coût zéro. Les promoteurs privés, utilisant les technologies de préfabrication les plus sophistiquées issues du neuro-urbanisme, doivent construire moins cher et mieux en moins de temps. De tels biens immobiliers peuvent être construits dans des endroits privilégiés.

En un mot, nous pouvons créer une expérience “Smart Country” qui nous permettrait d’envoyer un message optimiste au monde pour résoudre le problème du logement et devenir un guide en la matière.

Quels pays affichent le pouvoir d’achat le plus élevé d’Europe et pourquoi ?

Selon la Banque mondiale en 2021, le revenu ou PIB par habitant d’Andorre était de 42 137 USD, supérieur à celui de l’Espagne 30 103 USD et inférieur à celui de la France 43 659 USD. En comparaison: le Portugal 24 657 USD, l’Irlande 100 172 USD, la Suisse 91 991 USD, le Luxembourg 133 590 USD, les Pays-Bas 57 767 USD, Monaco 234 315 USD, Saint-Marin 45 320 USD, le Liechtenstein 157 755 USD.

En général, on voit qu’il s’agit soit de pays exportateurs très industrialisés, soit de pays ayant une certaine valeur ajoutée stratégique, soit qui accumulent des revenus perçus de l’extérieur et de l’intérieur du territoire. L’Andorre devrait probablement être incluse dans le groupe des petits pays à grande valeur ajoutée. Certes, nous sommes encore loin du Liechtenstein, de Monaco et même de Saint-Marin, sans parler de pays plus grands comme l’Irlande ou le Luxembourg que nous pourrions suivre en matière de stratégie de croissance dans le futur.

C’est une tâche qui incombe à ceux qui sont responsables de la future représentation internationale du pays, et qui doivent continuer à renforcer la promotion de la marque Andorre, en donnant une visibilité internationale à tous les développements prévus. Par conséquent, je revendique que la puissante marque nationale continuera à se développer comme l’Andorre le mérite !

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