Marc Almond : Et maintenant l’Underground est en surface

Marc Almond: Et maintenant l'Underground est en surface

MARC ALMOND PARLE DE SON DERNIER ALBUM “CHAOS AND THE DANCING STAR”, DU 40EME ANNIVERSAIRE DE “SOFT CELL”, DE SON EXPÉRIENCE D’ÊTRE HONORÉ PAR ORDRE DE L’EMPIRE BRITANNIQUE, DE SON MODE DE VIE PENDANT LE CONFINEMENT À LONDRES ET DE BIEN D’AUTRES CHOSES

Marc Almond est un artiste qui présente un tel héritage qu’il peut couvrir les préférences et les goûts de différents publics. Certaines personnes l’admirent comme un pionnier de la musique électronique pour son duo “synth-pop” – “Soft Cell” où il a participé avec son partenaire musical Dave Ball au début des années 1980.

D’autres l’aiment pour la quantité impressionnante de tubes pop accrocheurs qu’il a sortis tout au long de sa carrière dans les années 1990 et 2000.

Certains fans apprécient la plupart de ses reprises expressives de chansons d’artistes tels que Charles Aznavour et Jacques Brel notamment et de chansons issues de l’héritage créatif de la romance russe et des chansons soviétiques.

Travaillant dans le domaine musical depuis déjà 40 ans, Marc a connu des hauts et des bas, mais il a toujours porté son charisme artistique unique, dû en grande partie à sa propension aux effets mélodramatiques. Avec ses 25 albums solo et ses 30 millions de disques vendus à travers le monde, Marc Almond a récemment été reconnu comme un “élément indispensable” de la culture musicale anglaise et a reçu l’Ordre de l’Empire britannique (OBE).

Nous avons eu la chance d’avoir une conversation intéressante avec Marc. Nous nous sommes entretenus de son nouvel album créé en collaboration avec le légendaire Ian Andersen, des émotions fortes reçues lors du concert anniversaire de “Soft Cell”, de la remise de l’Ordre de l’Empire britannique, de sa vie à Londres pendant la pandémie et d’autres choses intéressantes.

Interview: Dmitry Tolkunov

Salut Marc! Merci beaucoup d’avoir trouvé du temps pour cette interview. Il y a quelques mois, vous avez sorti un nouvel album “Chaos and the Dancing Star”. On dirait que ces chansons ont des thèmes très personnels, et l’ambiance lyrique est assez différente de votre album précédent “Shadows and Reflections” – celui-ci incluait principalement des reprises de chansons d’autres artistes?

J’ai commencé l’album “Chaos and a Dancing Star” il y a plusieurs années après avoir terminé “The Velvet Trail” avec le même co-auteur et producteur Chris Braide. Mais, j’ai ensuite signé un accord avec BMG Music au Royaume-Uni. Ils voulaient que je fasse d’abord un disque de reprises puis un album de chansons originales. Donc, “Chaos and a Dancing Star” a été mis sur la touche et j’ai fait “Shadows and Reflections” avec un autre producteur, Mike Stevens. Il se composait principalement de reprises de chansons des années 1960 et 1970 avec deux chansons originales.

It’s different musically to “Chaos and the Dancing Star” also took time to record an album with Jools Holland called “A Lovely Life to Live”. So you can say “Chaos and the Dancing Star” was recorded slowly over five years. It is a follow-on album from “The Velvet Trail” in many ways for its apocalyptic, death and rebirth themes on some songs. Chris and I originally wanted to do a prog rock album, but it developed into more of a song collection. It features Ian Anderson from the legendary Jethro Tull on flute on the track “Lord of Misrule”.

Musicalement, c’est différent de “Chaos and the Dancing Star”. Il a fallu du temps également pour enregistrer un album avec Jools Holland, intitulé “A Lovely Life to Live”. Vous pouvez donc dire que «Chaos et l’étoile dansante» a été enregistré lentement sur cinq ans. Il s’agit d’une suite de “The Velvet Trail” à bien des égards: pour ses thèmes apocalyptiques, de mort et de renaissance sur certaines chansons. Chris et moi voulions à l’origine faire un album de rock progressif, mais il s’est conclu davantage en une compilation de chansons. Soit dit en passant, dans la chanson «Lord of Misrule», Ian Anderson de Jethro Tull joue de la flûte.

Comment avez-vous développé vos relations personnelles avec un artiste aussi légendaire que Ian Anderson?

Je connais Ian depuis un petit moment et j’ai chanté avec lui lors de certains de ses spectacles dans une cathédrale, spectacles qui se produisent généralement autour de Noël. J’ai également participé à une performance de son album classique “Thick as a Brick” à l’Albert Hall (Londres), ce qui a été un grand plaisir.

Beaucoup de gens ne s’y attendront pas, mais je suis fan de Jethro Tull depuis que j’ai 13 ans. Le premier single du groupe que j’ai acheté était «The Witches Promise».

Il y avait un sentiment plutôt surréaliste quand je l’ai chanté avec Ian sur la scène il y a quelques mois… Le cercle de la vie s’est refermé pour moi. Ian est à la fois une personne merveilleuse, profonde, créative et une rock star de légende.

A ce jour, on vous retrouve dans de nombreuses collaborations avec différents grands artistes talentueux outre Ian Anderson. Y a-t-il des artistes que vous admirez vraiment et avec qui vous aimeriez avoir la chance de travailler?

Je n’ai pas l’intention de travailler avec un musicien en particulier pour le moment, je préfère que les choses se passent de façon impromptue. Ce sont les choses qui fonctionnent le mieux.

Vous avez des vidéos très élégantes et atmosphériques pour les chansons “Slow Burn Love” et “Hollywood Forever” sur le nouvel album. Auriez-vous des réalisateurs coup de cœur avec lesquels vous préférez travailler? Et peut-être pouvez-vous parler de vos vidéos fétiches que vous avez déjà réalisées?

J’ai adoré travailler avec le réalisateur Tim Pope qui a créé beaucoup de mes premières vidéos, il a fait une superbe vidéo pour la chanson “A Kind of Love” il y a quelques années.

Habituellement, je préfère travailler avec de nouveaux jeunes réalisateurs et cinéastes qui ont de nouvelles idées créatives. L’époque des grands clips vidéo “brillants” est révolue; ils sont principalement vus sur les forums de médias sociaux maintenant et sont donc un peu plus “lo-fi” comme j’aime.

Les dernières années ont été très intenses et pleines de succès pour votre carrière. Bien sûr, l’un des plus grands événements qui s’est produit est le concert pour le grand anniversaire de “Soft Cell” sur le site de l’O2 Arena à Londres. Cela faisait 20 ans que le groupe ne s’était pas produit-le dernier album et la dernière tournée avaient eu lieu en 2001. Est-ce que vous voudriez bien m’en dire un peu plus sur cet événement et me dire comment cette idée vous est venue? Quels ont été vos sentiments pendant le show? Avez-vous été satisfait?

Je n’avais rien prévu d’avance, tout s’est passé lorsque j’ai rencontré Dave Ball, alors que ça faisait 17 ans que nous ne nous étions pas vus. Nous devions parler du coffret que s’apprêtait à sortir Universal Music pour Soft Cell. Dave s’en occupait et on l’a fait ensemble et c’est maintenant une belle collection dans un beau coffret.

Au fil des ans, nous étions souvent revenus sur le sujet d’un éventuel concert et je n’étais pas très à l’écoute, puis soudain ça m’a paru excitant et j’ai accepté. Nous avons choisi le plus grand site de Londres, l’O2 Arena, avec une capacité de 18000 personnes. Ils pensaient qu’il ne serait pas facile de vendre un tel nombre de billets, mais ils se sont finalement volatilisés en un week-end. Ce fut un grand concert, nous avons essayé de satisfaire tous les fans – fans de pop, de dance et de la composante gothique plus sombre de “Soft Cell”.

Parallèlement le concert a été diffusé en direct dans les cinémas du monde entier et récemment, il a été diffusé sur DVD. Techniquement, le spectacle était très difficile, mais au final, tout avait fière allure. Le moment le plus émouvant a été lorsque nous avons chanté la dernière chanson «Say Hello Wave Goodbye» et la salle était éclairée par la lumière de milliers d’écrans de téléphones portables. C’était indescriptible. Nous n’en avons pas fait d’autres, comment le pourrions-nous? C’était inégalable, nous ne pourrions faire mieux.

Pensez-vous que c’était la toute dernière réalisation avec Soft Cell?

Nous prévoyons de faire un album et j’ai écrit des chansons pour le groupe, mais on verra.

Un autre événement important qui vous est arrivé au cours des dernières années c’est la remise de l’Ordre de l’Empire britannique, bien sûr. Quels sentiments avez-vous eu, vous,  l’artiste aux racines quelque peu rebelles? C’était une situation inappropriée et surréaliste ou une chose absolument importante pour vous?

Je pense que c’était un grand moment de reconnaissance non seulement pour la musique mais pour le soutien caritatif que j’ai fait. Oui, c’était surréaliste, mais je ne voulais pas manquer cette expérience. Cela a rendu ma maman heureuse et elle est allée au palais pour la cérémonie avec moi. Je dois accepter qu’à l’âge que j’ai, je suis devenu membre de “l’ADN du Royaume-Uni” et que je suis accepté par un public plus large. J’aime toujours être un peu punk et contre l’ordre établi quand je le peux. Mais je ne peux plus me permettre d’être transgressif et subversif.

Bon, seulement de temps en temps. Les gens m’acceptent pour cela et maintenant l’underground est en surface.

Un autre événement important qui serait difficile de ne pas mentionner est votre obtention du titre de doctor honoris causa en philosophie à l’Université Edge Hill il y a quelques années. La philosophie a-t-elle toujours occupé une place d’exception pour gérer votre vie? Quels philosophes préférez-vous?

Je ne sais pas pourquoi ils m’ont fait docteur en philosophie. Peut-être parce que j’ai suivi ma propre philosophie de la vie et que d’autres ont suivi la mienne. J’ai essayé de lire Friedrich Nietzsche; J’ai même appelé mon dernier “Chaos and the Dancing Star” d’après une citation de “Ainsi parlait Zarathoustra”. Il est juste trop compliqué! Intéressant, cependant. Mais dans ma jeunesse, son nihilisme faisait écho en moi.

Êtes-vous actuellement à Londres? Comment remplissez-vous vos journées pendant la pandémie et quel est votre avis sur cette situation liée au coronavirus?

Au début, personne ne l’a pris au sérieux. Personne ne pensait qu’il y aurait des charniers à New York. À Londres également, de nombreuses personnes meurent chaque jour. Nous devons tous rester à la maison la plupart du temps. Mon humeur est changeante, j’ai des hauts et des bas, parfois je me sens démoralisé, mais en même temps je comprends que j’ai de la chance dans la vie et que d’autres n’ont pas cette chance. Je pense à ceux qui sont au plus mal, et ça brise mon cœur. Mais dans l’ensemble, je m’accroche. J’essaie d’utiliser le temps à bon escient. D’une manière ou d’une autre, j’avais besoin d’une pause. Mais bien sûr, j’aurais préféré choisir moi-même le moment. Je remets les pendules à zero. Profitant de cette situation, j’écris beaucoup en ce moment, je regarde de vieux films et je fais des vidéos improvisées pour instagram, où je chante mes chansons préférées sans microphone, dans mon environnement familial.

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Written by Charles Aznavour Piano by Elliot Davies @elliotdav

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Maintenant, beaucoup de gens font de telles vidéos de fortune et j’aime que tout soit devenu lo-fi comme ça maintenant. Tout cela devrait nous changer. Je ne sais pas comment, mais j’espère que tout le monde aura assez de temps pour réévaluer la vie et que, par conséquent, la société s’améliorera. Il me tarde vraiment le moment où je pourrai revenir sur scène et jouer.

Qu’est-ce que vous finirez dès que tout reviendra à la normale après la pandémie?

Je travaille sur une nouvelle opérette solo basée sur le roman décadent de Joris-Karl Huysmans «A Rebours». Nous pourrions faire un autre album de Soft Cell, comme je l’ai mentionné. J’espère que je reviendrai en Russie car c’est toujours en pensées dans mon cœur et il y a beaucoup de mes fans là-bas. Que tout le monde reste en sécurité et traverse cette épreuve.

Marc, nous vous souhaitons de réaliser tous ces projets passionnants dès que possible et nous vous remercions beaucoup pour cette interview intéressante.

Je vous remercie.

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