Ian Anderson: Je suis solitaire. Je suis Clint Eastwood dans un Spaghetti Western. Je suis Le chat qui s’en va tout seul de Kipling

Ian Anderson: Je suis solitaire. Je suis Clint Eastwood dans un Spaghetti Western. Je suis Le chat qui s'en va tout seul de Kipling

IAN ANDERSON PARLE DE SON NOUVEL ALBUM, DE SES MORCEAUX   PRÉFÉRÉS DE JETHRO TULL ET DE SES SOLOS, DE SON POINT DE VUE SUR LA PANDÉMIE, DE SES PROJETS ACTUELS ET DE BIEN D’AUTRES CHOSES

Ian Anderson est une légende incontestable, un leader et le fondateur de Jethro Tull – le groupe musical qui a joué l’un des rôles principaux de l’histoire de la musique rock. C’est difficile à croire, mais l’histoire de Jethro Tull couvre maintenant plus de 50 ans.

Jethro Tull a été formé en 1967 à Blackpool, en Angleterre, par Ian Anderson et ses amis. Le premier album «This Was» a aidé le groupe à se faire remarquer comme un collectif prometteur qui prenait vite place sur la scène rock britannique. Le deuxième album «Stand Up», qui peut être musicalement caractérisé comme un parfait exemple d’un blues électrique teinté de folk, a permis à Jethro Tull d’être un groupe reconnu et lui assure un grand succès commercial. Il est devenu numéro un au “charts” au Royaume-Uni.

Dès les premiers jours, Jethro Tull a eu une approche musicale unique pour un groupe de rock grâce à un instrument classique, la flûte, qui a façonné leur son et les a distingués de tous les autres groupes. Selon les mots d’Ian, la principale raison pour laquelle il a commencé à jouer de la flûte était la suivante: il ne voulait pas être juste un guitariste de troisième ordre qui ressemblait à un tas d’autres guitaristes de troisième ordre.

Il voulait apporter un côté original et propre au groupe et c’est pourquoi il a choisi la flûte. Lorsque Jethro Tull a commencé, Ian ne jouait de la flûte que depuis deux semaines environ. Sa courbe d’apprentissage a été rapide – chaque nuit où il montait sur scène était l’occasion d’une nouvelle leçon.

Au début des années 70, Jethro Tull a beaucoup changé de style musical et s’est davantage tourné vers le rock progressif. Le premier album à marquer cette nouvelle période musicale du groupe a été “Aqualung”. Il a été suivi par des albums vénérés par tous les fans de Jethro Tull comme “Thick as a Brick”, “Passion Play”, “Too Old to Rock-n-Roll: Too Young to Die”.

Tous ces morceaux suivaient la grande tendance des années 70 de faire des albums conceptuels ; ils n’étaient pas seulement une compilation de chansons disparates. Elles étaient unies par un fil directeur, une idée commune et une histoire cohérente, à la manière d’une colonne vertébrale qui portait le tout. A la fin des années 70, Jethro Tull a continué d’expérimenter dans différentes directions musicales et s’est tourné vers le folk-rock avec la sortie de trois chansons qui ont marqué ce genre musical comme “Songs from the Wood”, “Heavy Horses”, “Stormwatch”.

Le début des années 80 a vu naître l’intérêt de Ian Anderson pour les synthétiseurs et les nouveaux sons électroniques, dans l’aire du temps de l’industrie musicale à ce moment. Cette période était basée sur des albums de Jethro Tull fortement électro comme «A», «The Broadsword and the Beast», «Under Wraps». Entre ces morceaux, Ian a réussi à sortir son premier album solo «Walk into Light» dans lequel il a éprouvé le répertoire des possibilités du son électronique et des synthétiseurs.

Au fin des années 80 début des années 90, Jethro Tull s’est tourné vers le hard rock et a doté ce genre musical d’albums puissants tels que «Crest of a Knave», «Rock Island», «Catfish Rising». Ces albums ont reçu une grande reconnaissance de la part des critiques et du public. Ceci nous rappelle une anecdote. Jethro Tull a reçu le Grammy Awards pour le meilleur album de hard rock/métal ( “Crest of a Knave”) avec lequel ils ont même battu “l’album métal de tous les temps” – “And Justice for All” de Metallica. Mais le groupe ne s’est pas présenté à la cérémonie de remise des prix parce que leur manager avait dit qu’il n’y avait aucune chance qu’ils gagnent.

Du milieu des années 90 à la fin du siècle, Ian Anderson s’est beaucoup intéressé à la musique ethnique et a sorti deux albums dans ce genre: «Roots to Branches» et «J-Tull Dot Com». En 2003, Jethro Tull a sorti le dernier album studio “The Jethro Tull Christmas Album”. A cette époque, Ian Anderson rassemble un nouveau groupe qui se produit désormais sous le nom de Ian Anderson Touring Band ou Jethro Tull par Ian Anderson. Durant cette nouvelle période, Anderson a sorti deux morceaux importants “Thick as a Brick 2” (2012), qui était la suite de l’album culte de 1972 de Jethro Tull “Thick as a Brick” et “Homo Erraticus” (2014). Le nouvel album devrait sortir en septembre 2020.

Nous avons eu la chance de parler avec Ian Andersen, qui passe ses jours de quarantaine dans sa maison de campagne en Angleterre, à propos de ses albums de Jethro Tull préférés et de ses chansons solos, de son point de vue sur la situation liée au coronavirus, de ses projets actuels et d’autres choses intéressantes.

Interview: Dmitry Tolkunov

Ian, tout d’abord, merci beaucoup d’avoir trouvé du temps pour cette interview, c’est un très grand honneur. Ce serait formidable de savoir sur quoi vous travaillez maintenant. Vous aviez prévu de sortir un nouvel album en septembre, est-ce qu’il sortira à temps?

La situation actuelle génère tant de difficultés qu’il est impossible de prédire la progression de l’enregistrement ou une date exacte de sortie. Ajoutez à cela les problèmes liés aux tournées et aux voyages, il faudra donc peut-être plusieurs mois pour voir les choses suivre leur cours.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le nouvel album?

Oui, je le peux – mais je ne le ferai pas! Je me suis toujours réservé le droit de changer d’avis sur les titres et les chansons – même à la dernière minute – donc ce n’est pas une bonne idée de parler détails pour le moment.

Si je comprends bien, le nouvel album est fait avec votre composition actuelle, Ian Anderson Touring Band ou Jethro Tull par Ian Andersen. Avez-vous des pensées pour l’avenir d’une tournée avec la composition originale, Jethro Tull?

Vous voulez dire 27 membres de Jethro Tull? Bien sûr que non, car certains ne sont plus en vie et d’autres n’auraient plus l’énergie pour le faire. Je pense que vous voulez probablement dire avec Martin Barre. Mais il a sa propre vie, son propre groupe et ses propres projets – donc ça n’arrivera pas. Et imaginez que je doive dire à certains des membres actuels du groupe qu’ils ne sont pas requis et doivent être remplacés par les joueurs précédents. Je ne peux être fidèle qu’à un groupe de musiciens à la fois!

Certains donnent Jethro Tull comme le meilleur groupe dans l’histoire du rock pour ses albums conceptuels, ces albums montés autour d’une idée maîtresse et d’une histoire commune solide. En 2012, vous avez même sorti la suite du plus célèbre album de Jethro Tull «Thick as a Brick». Est-ce que vous avez déjà pensé à sortir la suite d’autres albums bien connus comme “A Passion Play” et “Too Old to Rock-n-Roll”: Too Young to Die “?

Oui. J’y ai pensé, de la même manière que je pense à d’autres choses et options créatives. Mais la réponse est non. Avec le temps limité que j’ai devant moi dans ma vie, il est plus gratifiant de me consacrer à faire quelque chose de nouveau en ce qui concerne l’écriture et l’enregistrement. Les concerts live offrent de nombreuses opportunités pour revisiter un répertoire plus ancien et c’est assez de nostalgie pour moi!

Jethro Tull est un groupe avec une si longue histoire impressionnante, et il a toujours progressé en expérimentant différents styles musicaux. Avez-vous une période préférée dans cette histoire si riche du groupe?

Le deuxième album «Stand Up» a été une étape importante pour passer d’un style plutôt blues à un matériel plus original. Et puis «Aqualung», bien sûr, qui m’a aidé dans mon écriture avec la guitare acoustique au centre. “Thick As A Brick” a été un grand pas dans le monde du rock progressif, même si je pense que nous en jouions déjà depuis 1969 de toute façon. “Songs From The Wood” était probablement le point culminant de la programmation de la fin des années 70 lorsque tous les membres du groupe ont offert une contribution plus créative à certaines chansons.

Pourquoi le groupe a-t-il pris le nom d’un agriculteur anglais du 17ème siècle? L’agriculture a-t-elle déjà pris une grande place dans votre vie?

Notre agent nous a appelé comme cela en janvier 1968. Ce n’était pas mon idée et je n’avais jamais entendu parler de Jethro Tull, le personnage historique, car je n’avais pas étudié cette période d’histoire à l’école. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence si je me suis engagé dans l’agriculture plus tard. J’ai toujours aimé le plein air et la nature. Et je m’intéresse à la conservation et à l’écologie depuis l’âge de vingt ans.

Si l’on s’attache à vos morceaux en tant qu’artiste solo, outre Jethro Tull, quelles sont les meilleures chansons que vous pensez avoir jamais réalisées?

J’ai essayé au fil des années de faire quelques albums solos en utilisant des idées qui ne cadraient pas si bien avec l’identité musicale de Jethro Tull telle que je la vois. C’étaient des albums acoustiques, électroniques, inspirés de thèmes classiques et réalisés avec un orchestre classique. Comme avec Jethro Tull, j’ai deux albums solos avec un ensemble classique et un quatuor à cordes qui ont pris la première place dans le classement Billboard.

Outre Jethro Tull et vos chansons solos, vous avez un portefeuille impressionnant de collaborations avec d’autres artistes pour lesquels vous avez joué de la flûte. Avez-vous des projets dans ce domaine ou peut-être de grandes collaborations qui viennent de se produire récemment?

Je suis un solitaire. Je suis Clint Eastwood dans un Spaghetti Western. Je suis Le chat qui s’en va tout seul de Kipling. J’ai tendance à voyager seul, à manger seul et à dormir seul. J’écris de la musique et j’enregistre seul, aussi souvent que possible. Les collaborations avec d’autres musiciens sont comme une histoire d’un soir. Tu aimes et tu en restes là. Sauf pour mes concerts de Noël avec Marc Almond et Lloyd Grossman. À Noël, j’étends la main de l’amitié et de la camaraderie à tous ceux qui me paieront le déjeuner.

Comment passez-vous la plupart de vos journées maintenant? La pandémie a-t-elle affecté votre mode de vie ou ne se fait-elle pas tant ressentir du fait que vous vivez à la campagne?

Fondamentalement, je remplis mes journées avec à peu près les mêmes occupations que tout le monde. Je me replonge dans d’anciens hobbies et passe-temps, je lis, et bien sûr, comme toujours, je travaille quotidiennement dans mon bureau, chez moi. La grande différence, bien sûr, c’est que je ne suis pas enfermé, comme beaucoup d’autres, au 24ème étage d’une tour, au milieu d’une grande ville. Je vis à la campagne avec des champs, des forêts et de l’air frais depuis 45 ans.

La première chose que j’ai faite quand j’ai gagné un peu plus d’argent au milieu des années 70 a été de m’acheter une maison de campagne avec terrain. Je comprends que la plupart des gens aiment vivre dans des villes, proches de restaurants, de clubs, de théâtres et de nombreux amis. Mais le chat qui s’en va tout seul s’émerveille de voir les premiers rayons du jour et de respirer le parfum des herbes et des fleurs sauvages.

Dans l’ensemble, quelles sont vos pensées et sentiments au sujet de ces jours étranges de que traverse l’humanité, affectée par le coronavirus ?

La vengeance de Gaia! Il y a de nombreuses années, les livres fantaisistes de Sir James Lovelock ont comparé la planète à une créature vivante. Un être vivant qui pourrait s’autoréguler pour survivre si nécessaire.

Je ne suis pas d’accord avec l’ensemble de la proposition en détails, mais elle comporte des éléments d’interconnectivité qui interpellent et qui expliquent, peut-être, la situation mondiale actuelle. Trop de gens, ressources limitées, cupidité, consommation irresponsable produisant des changements climatiques, migration forcée, famine, inondations et plus encore.

Des pandémies mondiales sont prévues depuis de nombreuses années. Et la consommation immorale de viande d’animaux sauvages exotiques pour l’alimentation humaine, abattus et préparés dans des circonstances horribles et insalubres est probablement à blâmer pour cette pandémie.

Au fil des années, je suis devenu presque végétarien, je mange peu ou pas de viande, lorsque je peux l’éviter. Notre mépris et notre négligence des droits des animaux sont à blâmer. Et tout cela, bien sûr, est toujours lié à la croissance trop rapide de la population de la planète. Je crois en une planification familiale responsable. Est-ce que chacun a vraiment besoin de plus d’un ou deux enfants? Au cours de sa vie, chaque enfant né dans notre monde occidental “civilisé” produira au moins 400 tonnes de déchets carbonés, et dans certains cas son empreinte carbone pèsera 2 à 3 fois plus.

Juste réfléchissez à cela : seulement pendant la durée de ma vie, la population de la planète a un peu plus que triplé. La génération de mes parents et la mienne sont à blâmer pour plus de la moitié des problèmes que nous vivons aujourd’hui. Mes petits-enfants seront ceux qui vont hériter de cette catastrophe environnementale et humanitaire que nous avons laissée.

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Avez-vous une liste de choses que vous voulez faire lorsque la vie normale sera revenue ?

J’ai une quête en cours – trouver le pire restaurant indien dans l’une des villes où je me trouve et y jouer. Il semble que j’aie presque trouvé, mais nous devons encore y travailler. Aussi, j’espère qu’en septembre, je pourrai continuer à planter des arbres ici à la ferme, une forêt de dix mille feuillus qui viendra s’ajouter aux trente mille arbres que nous avons plantés ces dernières années. Et cela va de soi, je compte bien m’en aller tout seul au petit matin dans les rues désertes d’une ville étrange. A la façon de ce chat.

Cela ressemble à un projet. Merci beaucoup pour cette conversation intéressante, Ian.

Je vous remercie.

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