La Principauté d’Andorre et l’Union européenne: pourquoi s’associer ? commente Yves Doutriaux, le conseiller d’État, le professeur de l’Université Paris 1

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Ancien conseiller auprès de la représentation de la France auprès de l’Union européenne à Bruxelles entre 1988 et 1992, lors de la négociation du traité de Maastricht, puis représentant permanent adjoint auprès des Nations Unies à New-York entre 1998 et 2002, il a été également ambassadeur de France auprès de l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne entre 2003 et 2006.

Il entre ensuite au Conseil d’État en 2007 comme conseiller d’État affecté aux sections du Contentieux et des Finances et enseigne la géopolitique à l’université Paris-Dauphine. Il est également conseiller en droit public à la Halde. Yves Doutriaux, le conseiller d’État, le professeur de l’Université Paris 1 commente:

La Principauté d’Andorre et l’Union européenne: pourquoi s’associer ?

La devise qui figure sous les armoiries de la Principauté « Virtus unita fortior » convient parfaitement à mon propos : Andorra sera plus forte encore en s’associant avec l’Union européenne.

La souveraineté  d’un Etat ne signifie pas – c’est encore plus vrai  dans le monde globalisé d’aujourd’hui- que les Etats n’aient pas intérêt à coopérer  entre eux, à commencer avec leurs  voisins les plus proches. Certes en contrepartie les accords internationaux , qui ont une valeur juridique supérieure aux lois internes  sont susceptibles  d’établir des contraintes dans l’intérêt bien compris de chacun des  Etats parties à ces accords. Mais en général lorsqu’un Etat s’engage par un accord international, c’est qu’il y trouve un avantage même s’il a du parfois consentir à des concessions.

La ratification parlementaire voire par référendum exprime l’accord donné par les citoyens à cette contrainte  susceptible de limiter la capacité à légiférer sur le plan interne en toute indépendance. Ainsi les Etats  rassemblés au sein de l’Union européenne sont collectivement plus forts et plus efficaces  au regard du reste du monde que s’ils étaient dispersés sur les plans économiques et politiques : grâce à l’intégration européenne, le marché unique, la monnaie unique ,l’embryon de politique étrangère commune, l’UE peut espérer peser sur les affaires du monde- dès lors qu’elle représente 500 millions de citoyens et de consommateurs quand bien même elle est composée de 28 Etats dotés chacun d’une histoire et une culture propres. Certes l’actualité immédiate peut donner l’impression que l’Europe est inefficace ( crise de l’euro, crise grecque, crise migratoire pour donner des exemples actuels) ; mais les Etats pris dans leur individualité auraient-ils pu  répondre plus rapidement à de tels événements ?

En tout état de cause, si l’un des peuples européens estime le contraire, il lui est loisible de sortir de l’UE , le traité de Lisbonne prévoyant précisément la procédure à suivre par l’Etat qui opte pour la sortie de l’Union ; c’est cette procédure que le Royaume-Uni devrait suivre si ,d’aventure,  une majorité de citoyens britanniques devait opter pour la sortie de l’Union lors du référendum annoncé par M.Cameron pour  2017 . La crise grecque a démontré que le peuple grec a  opté pour le maintien dans la zone euro même si cette option  implique une politique budgétaire et fiscale drastique, la remise en cause d’avantages fiscaux, des privatisations, des réformes structurelles,  compte tenu des erreurs commises par les gouvernements successifs de ce pays depuis son entrée dans l’euro en 2001.

Mais cette même crise grecque a aussi établi que la sortie de l’euro- est une option dans le cas où un Etat refuse délibérément  de respecter les règles communes. Toutefois, à ce jour, en dépit de la propagande anti-européenne des partis nationalistes au Royaume-Uni, en France et dans de nombreux autres pays de l’UE, aucun peuple ni aucun parlement n’a  opté pour la sortie de l’Union.

Indépendance et souveraineté des Etats  vont donc de pair avec la coopération ou l’association avec d’autres Etats notamment voisins dans l’intérêt commun des uns et des autres. C’est ce qui a été convenu dans le cadre de l’espace économique européen :

1- L’espace économique européen :

Tous  les Etats de l’association européenne de libre échange (AELE) ont  souhaité nouer avec l’Union  des accords d’association afin d’être partie intégrante au grand marché unique établi à compter de 1985 au sein duquel circulent librement les marchandises, les services, les capitaux et les personnes, ce qui  constitue  les quatre libertés. C’est ainsi qu’a été créé l’espace économique européen qui regroupe des Etats qui faisaient partie de l’AELE; c’était une suggestion de Jacques Delors désireux d’éviter alors que l’Union européenne ne s’élargisse davantage à de nouveaux Etats membres, facteur de complication du fonctionnement des institutions européennes .C’était la formule : « l’EEE c’est tout sauf les institutions ». A présent  la Norvège, l’Islande et  le  Liechtenstein, qui ne souhaitent pas,  au moins aujourd’hui,  adhérer à l’Union  sont ainsi liés à l’UE et à la plupart de ses politiques, y compris  la coopération Schengen.

Un mot sur le fonctionnement de l’EEE, dès lors que l’une des options examinées par la Commission en son rapport de 2013  sur « les relations entre l’UE avec la principauté d’Andorre, la principauté de  Monaco et  la République de San Marin :» était l’adhésion de ces trois Etats à l’EEE. L’accord sur l’Espace Economique Européen (accord EEE)  est entré en vigueur en 1994. L’EEE va au-delà des accords de libre-échange (ALE) classiques conclus par l’UE avec des partenaires extérieurs dans la mesure où il étend l’intégralité des droits et obligations du marché intérieur de l’Union . L’EEE comprend les quatre libertés du marché intérieur (libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux) ainsi que les politiques y afférentes (concurrence, transport, énergie et coopération économique et monétaire).

L’accord couvre les politiques dites  horizontales strictement liées aux quatre libertés : politiques sociales, protection des consommateurs, de l’environnement,  droit des sociétés, ainsi que des politiques d’accompagnement, telles que celles relatives à la recherche et au développement technologique. Mais les dispositions contraignantes  de l’EEE ne concernent pas: la politique agricole commune; l’union douanière; la politique commerciale commune; la politique étrangère et de sécurité commune; le domaine de la justice et des affaires intérieures  ou l’Union économique et monétaire (UEM).

Comment fonctionne l’EEE ? Les nouveaux textes relatifs au marché intérieur de l’Union sont examinés par un Comité mixte de l’EEE, composé de représentants de l’Union et des  3 États membres de l’AELE/EEE. Cet organe décide ce qui, dans la législation doit être incorporé dans l’EEE. Plusieurs milliers d’actes ont ainsi été incorporés à l’accord EEE. Un Conseil de l’EEE, composé des représentants du Conseil de l’Union européenne et des ministres des affaires étrangères des États de l’AELE/EEE donne des orientations politiques au Comité mixte.

Une fois qu’un acte de l’Union a été incorporé à l’accord EEE, il doit être transposé dans le droit interne des pays de l’AELE/EEE.Une fois que le droit du marché intérieur a été étendu aux États de l’AELE/EEE, l’Autorité de surveillance de l’AELE et la Cour de l’AELE veillent à sa transposition et à son application.

Le Parlement européen et les parlements nationaux des États de l’AELE/EEE sont étroitement associés au contrôle de l’accord EEE par un Comité parlementaire mixte (CPM) qui examine toute la législation de l’Union qui s’applique à l’EEE .

2- Si la Suisse n’appartient pas à l’EEE, sa situation par rapport à l’UE est très proche de celle des pays de l’EEE

En sa qualité de membre de l’AELE, la Suisse a négocié l’accord EEE avec l’Union européenne en 1992. Cependant, après la votation de 1992 hostile à  la participation à l’EEE, le Conseil fédéral suisse a abandonné l’objectif d’une adhésion du pays à l’Union européenne et à l’EEE. Mais  désireuse d’être associée  au marché intérieur regroupant tous ses voisins dont son commerce extérieur et sa prospérité sont étroitement dépendants, la Suisse a  négocié une série d’accords bilatéraux, approuvés en deux paquets,

Le premier paquet  adopté en 2002 comprend des politiques sur le transport aérien, les marchés publics, la recherche, l’agriculture, les entraves techniques aux échanges , le transport terrestre ainsi que la liberté d’établissement/de circulation des personnes. Ce dernier point fait actuellement l’objet de controverses à la suite du référendum de février 2014 sur les quotas annuels de travailleurs étrangers et d’autres règlementations sur l’immigration. L’approbation de ce référendum par une faible majorité pourrait aboutir à l’annulation de la totalité du paquet, à moins qu’une solution diplomatique  ne soit trouvée, ce qui parait être loin d’être le cas….

Le second paquet adopté en 2005 englobe les accords de Schengen et de Dublin, la fiscalité des revenus de l’épargne, la lutte contre la fraude, les produits agricoles transformés, les statistiques, les pensions, l’environnement, le programme audiovisuel MEDIA, l’éducation, la formation professionnelle et la jeunesse.

Le désaccord euro-suisse sur l’immigration affecte actuellement le bon fonctionnement  de la participation de la Suisse au marché intérieur :en juillet 2014, la Suisse adressait à la Commission européenne une demande officielle de révision de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP).

Mais pour l’UE, le principe de l’égalité de traitement de tous les Etats membres de l’UE, le droit d’exercer une activité économique et de résider sur le territoire de l’autre partie  constituent la base première du consentement de l’UE à être lié par l’accord  si bien que renégocier ce principe  pour introduire des limites et des quotas combinés avec une préférence pour les ressortissants suisses serait en contradiction fondamentale avec l’accord sur la libre circulation des personnes .

Mais il faut examiner ce blocage euro-suisse sur l’immigration au regard des enjeux globaux des relations euro-suisses. Le  nombre d’accords bilatéraux  euro-suisses est aujourd’hui supérieur à 120 accords incorporés dans  la législation  nationale suisse. En pratique, la législation suisse s’aligne souvent sur la législation de l’Union, même dans des secteurs qui ne sont pas couverts par les accords bilatéraux. Les tribunaux suisses suivent aussi généralement la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, bien qu’ils n’y soient pas tenus. Des négociations sur un accord institutionnel-cadre ont été lancées en mai 2014 entre l’Union européenne et la Suisse afin de résoudre les problèmes découlant de la nature évolutive de l’acquis communautaire en ce qui concerne le marché intérieur et de l’absence de mécanisme de règlement des différends dans le réseau d’accords bilatéraux existants.

Le paquet final issu des négociations devra être adopté par référendum en Suisse. Il permettra peut-être également de résoudre  cette épineuse question  qui divise l’Union européenne et la Suisse  sur la circulation des personnes depuis 2014 , qui impose des restrictions sur le nombre d’étrangers — y compris les citoyens de l’Union.

3- vers une association entre  Andorre  et  l’UE

Les  relations formelles  d’Andorre avec l’UE restent pour le moment limitées. Une union douanière, qui ne porte toutefois pas sur les produits agricoles, est entrée en vigueur en 1991. Un accord de coopération de 2004 établit un cadre pour la coopération notamment en matière d’environnement, de transports, de culture, de politique régionale, de questions vétérinaires, et un accord monétaire de 2011 permet à Andorre d’utiliser l’euro comme monnaie légale  et de frapper des euros, depuis juillet 2013, en échange de la reprise de l’acquis communautaire dans le domaine financier. Enfin  il existe un accord sur la fiscalité des revenus de l’épargne   dont la révision est en cours.

Sur le plan  diplomatique, L’UE et l’Andorre coopèrent également sur un certain nombre de questions d’intérêt européen et mondial, notamment au travers de la politique régionale dans les montagnes pyrénéennes et de contacts réguliers entre les représentations diplomatiques de l’UE et d’Andorre auprès de grandes organisations internationales installées à New York, Genève, Vienne ou Strasbourg, en vue de coordonner les positions sur les questions de politique étrangère, de sécurité et de droits de l’homme.

Les gouvernements andorrans successifs , tout comme ceux de Monaco et de San Marin, ont  souhaité  aller plus loin dans le rapprochement avec l’UE et intégrer progressivement Andorre dans le marché intérieur afin de bénéficier  de ses retombées économiques en termes d’échanges commerciaux, d’emploi,d’investissements ; c’est aussi l’intérêt des régions frontalières françaises et espagnoles dans le cas d’Andorre. Il y a donc un intérêt partagé entre l’Union et les trois Etats en cause, notamment dans le contexte de la crise économique et financière de ces dernières années . Malgré cette crise, le chômage reste remarquablement faible dans les trois micro-Etats car les travailleurs temporaires ou saisonniers et les frontaliers résidant dans les régions voisines n’apparaissent pas dans les chiffres du chômage lorsqu’ils perdent leur emploi. Dans les trois pays, les ressortissants étrangers principalement ressortissants de l’UE sont nombreux en proportion .

La Commission  et le Conseil , après consultation des trois Etats , se sont  interrogés sur la formule à proposer : adhésion à l’EEE ou accord(s) d’association spécifique(s) ? L’option de l’EEE  et de ses institutions, qui a l’avantage d’avoir fait ses preuves, présente l’inconvénient de nécessiter une approche en deux temps : d’abord l’adhésion des 3 Etats à l’AELE en accord avec chacun des 3 membres de l’AELE puis adhésion à l’EEE. D’autre part, avec six membres, l’AELE fonctionnerait plus difficilement .Si Andorre et San Marin se sont montré ouverts envers l’adhésion à l’AELE, Monaco a écarté cette option  car elle serait inadaptée  à ses relations avec la France. De ce fait c’est la seconde option, celle d’un ou de plusieurs accords-cadres d’association qui a été retenue par Bruxelles.

La Commission a conclu  qu’un accord unique serait préférable à trois accords distincts, source de « différenciation inutile » , quitte à ce que ses dispositions communes (principes clés, dispositions institutionnelles)  soient assorties de protocoles particuliers pour chacun des trois pays  tenant compte de sa situation particulière .Les principes essentiels qui devraient figurer dans cet accord-cadre d’association porteraient sur les valeurs communes: respect de la démocratie, de la liberté, de l’état de droit, des droits de l’homme, non-discrimination etc…Ensuite l’accord énumérerait les principes du marché intérieur( homogénéité).Enfin l’accord préciserait que  les spécificités des trois pays , c’est-à-dire  leur petite superficie, leur faible population, les liens étroits avec les pays voisins, leurs caractéristiques économiques et politiques , devraient  être prises en compte.

Sur l’adaptation dynamique de l’accord à l’évolution de l’acquis communautaire, c’est-à-dire aux normes de l’UE intéressant le marché intérieur, la Commission suggère le modèle de l’EEE : acceptation de principe de l’application de l’acquis dans les domaines relevant de l’accord, garanties de souveraineté tenant compte des procédures constitutionnelles de chacun des trois Etats pour transposer en droit interne la législation de l’Union , prise de décision dans les institutions conjointes aussi efficace que possible Aujourd’hui l’acquis n’est  que  partiellement  repris dans les domaines de la libre circulation des capitaux, la passation des marchés publics , les droits de la propriété intellectuelle, la politique de la concurrence, de la société de l’information et des médias, l’environnement.

Les trois pays seraient informés en amont des propositions de modification de l’acquis afin qu’ils puissent faire connaître leur point de vue sur les projets qui les concernent particulièrement ;  la Commission et la cour de justice de l’UE, afin d’éviter de mettre en place de nouvelles institutions , veilleraient respectivement  à l’interprétation uniforme des accords et l’exécution des décisions de justice afin de garantir l’homogénéité et le bon fonctionnement du marché intérieur.

Le mandat de négociation d’un  ou de plusieurs accords d’association a été adopté lors du conseil affaires générales du 16 décembre 2014  avec Monaco, Andorre et Saint-Marin..Les négociations avec l’Union européenne ont commencé début 2015.

4– Faut-il s’inquiéter de la perspective d’un accord d’association avec l’UE ?

Si l’intégration économique par l’accord d’association répond à l’intérêt bien compris d’Andorre, elle bénéficiera aussi aux régions frontalières en France et  en Espagne  si bien qu’Andorre dispose de deux d’alliés naturels dans la négociation. En effet, les emplois créés par le marché intérieur devraient bénéficier autant aux ressortissants d’Andorre qu’aux ressortissants européens  résidant dans  la principauté ainsi qu’aux travailleurs frontaliers dans la mesure où l’offre de main d’œuvre locale à la disposition des employeurs est limitée en nombre .En outre on peut s’attendre à  un effet de diffusion dans les régions voisines dans la province de Lérida ou les départements français des Pyrénées -orientales et de l’Ariège.

On l’a vu, un accord d’association est susceptible de limiter  la capacité de légiférer d’un Etat associé avec l’UE. Prenons le cas des Etats membres de l’Union qui ont accepté de partager ensemble  leur souveraineté dans certains domaines : par  l’adhésion à l’UE, ses Etats membres ont renoncé à l’autonomie de certaines de leurs législations en consentant au partage de souveraineté dans les domaines de compétence de l’Union. En France comme dans d’autres Etats de l’Union, des dirigeants politiques et une partie de l’opinion se plaignent de :

— l’imposition de normes multiples par l’Union, de la concurrence fiscale ou sociale estimée déloyale d’autres pays de l’Union face à laquelle le principe de non discrimination selon la nationalité ou la politique de concurrence qui  réglemente les aides d’Etat interdit de répondre par des contre-mesures telles des subventions aux entreprises concernées ;

— de l’impossibilité de dévaluer la monnaie pour compenser une perte de productivité des exportations ;

— du contrôle excessif de l’Union sur les politiques budgétaires nationales ;

— des difficultés du  contrôle de  l’immigration clandestine du fait de la disparition des contrôles aux frontières internes dans le cadre de Schengen…

Certaines  critiques sont parfois fondées  si bien que l’Union cherche à y répondre: ainsi « le principe de subsidiarité » introduit dans le traité de Maastricht en 1992  amène la Commission européenne à renoncer à proposer certaines nouvelles normes même lorsqu’elles sont demandées par des Etats membres lorsque le bénéfice d’une norme européenne plutôt que de normes nationales n’est pas établi.  D’ailleurs il faut rappeler que ces normes sont le plus souvent  décidées par les représentants  politiques des Etats membres et non pas par des « technocrates » anonymes ,boucs émissaires livrés par les gouvernements nationaux hypocrites aux groupes hostiles à ces  réglementations européennes.

Quant au dumping social ou fiscal pratiqué par certains Etats membres, la réponse appropriée impliquerait le renforcement de l’harmonisation fiscale et sociale  au sein de l’UE,  donc « plus d’Europe » et non pas « moins d’Europe ». L’impossibilité de dévaluer a été librement consentie lors de la création de l’euro car les Etats de l’eurozone ont compris que les inconvénients des dévaluations compétitives – en termes d’inflation importée par exemple- étaient plus fâcheux  au regard des avantages de la gestion en commun d’une monnaie. Quant au contrôle budgétaire par l’UE  sur les budgets des Etats membres, les Etats ,même en l’absence de contrainte européenne , ne pourraient  durablement accroitre leurs déficits et dettes. Enfin pour mieux contrôler les flux migratoires en provenance des pays tiers, il faudrait sans doute renforcer les capacités de l’UE en matière de contrôle des frontières externes de l’Union, c’est-à-dire  prévoir plus et non pas moins  d’Europe. C’est tout l’enjeu des décisions prises récemment : aide aux Etats frontaliers-Italie, Grèce-les plus concernés, installation de « hotspots » aptes à faire le tri entre candidats à l’asile et les immigrants économiques ,renforcement de l’agence Frontex, patrouilles maritimes communes en Méditerranée avec arraisonnement des embarcations …

Ces exemples démontrent que des réponses pertinentes existent face aux  arguments critiques à l’encontre de la construction européenne. De la même manière  il est possible d’articuler  des réponses aux arguments critiques susceptibles d’être opposés en Andorre contre le statut d’associé à l’UE : j’énumère ici quelques critiques parfois entendues dans la Principauté:

l’association ne va-t-elle pas amener davantage de ressortissants européens  non andorrans à prendre des emplois en Andorre ?La réponse est sans doute positive  compte tenu du  nombre de citoyens andorrans (34000 si on ôte les 42000 citoyens européens qui résident déjà en Andorre) au regard des créations d’emplois attendues grâce à  la participation au marché intérieur. Si on s’accorde sur les prévisions -peut-être optimistes- de la commission en matière de création d’emplois en Andorre  , ces emplois nouveaux ne reviendront pas exclusivement aux citoyens andorrans , tout simplement car ils ne sont pas suffisamment nombreux pour  les occuper .D’autant que des citoyens andorrans pourraient en revanche être recrutés sur des emplois nouveaux créés dans les régions frontalières en France et en Espagne ou ailleurs dans l’UE.

l’association ne risque-t-elle pas d’affecter des entreprises andorranes jusque là protégées de la concurrence européenne, par exemple dans le cadre des marchés publics  andorrans? C’est effectivement possible ; mais tout dépendra de la capacité de ces entreprises à relever le défi de la concurrence européenne. Sans l’abri de la protection vis-à-vis de la concurrence extérieure, ces entreprises auront à consentir des efforts de productivité qui pourraient les amener d’ailleurs  à obtenir des marchés dans les régions frontalières auxquelles elles auront librement accès dans le cadre du marché intérieur .Au bout du compte, une plus grande concurrence permet de réduire les coûts pour les administrations qui concluent des marchés publics, d’améliorer la qualité des prestations pour le plus grand bénéfice des usagers et des contribuables andorrans.

-la même réponse pourrait être donnée s’agissant des professions réglementées( dans le domaine de la santé par exemple). L’association permettra à davantage de professionnels européens de s’installer en Andorre, ce qui améliorera l’offre de soins par exemple pour le public en Andorre,  mais réciproquement des professionnels andorrans , par exemple des infirmiers,devraient plus facilement pouvoir  s’installer dans l’UE.

-Y-a-t-il le risque d’immigration clandestine de ressortissants de pays tiers ? En principe non puisque l’association porte seulement  sur  la  libre circulation des travailleurs en situation régulière dans l’UE. L’association n’implique pas la disparition du contrôle systématique de la circulation des personnes aux frontières , ce sont les accords de Schengen qui prévoient le cas échéant cette disposition.

l’association ne risque-t-elle pas d’affecter le secteur bancaire important pour l’économie de la principauté ? D’ores et déjà les banques andorranes ont du s’adapter  aux exigences renforcées du G8 – voire de procédures  américaines comme l’illustre l’affaire de la Banca Privada d’Andorra – en matière de lutte contre les paradis fiscaux afin  que la principauté sorte de la liste des entités « non coopératives » , ce qui était la situation  établie par l’OCDE  jusqu’en 2009.En ce sens, l’association avec l’UE  ne fera qu’accompagner des réformes déjà intervenues en matière de transparence et d’échanges d’informations fiscales par le canal de conventions fiscales bilatérales souscrites par la principauté. Les négociations d’association tiendront compte de ces acquis. Mais les exigences internationales en matière de lutte contre les paradis fiscaux se renforcent puisque le G8 recommande désormais des dispositifs d’échanges automatiques et spontanés  d’informations entre les banques et les administrations fiscales étrangères.

La production de cigarettes  et de tabac en Andorre  sera-t-elle affectée ? Pour Andorre il s’agit de préserver l’emploi dans ce secteur tandis que du côté de l’UE on veillera à ce que ses intérêts fiscaux, de santé publique et sa politique de concurrence soient préservés .Les franchises fiscales actuelles ne devraient pas être mises en cause puisqu’au sein de l’EEE existent aussi  des régimes de franchises  nettes de taxes pour les alcools et cigarettes transportés  acquises en duty free par les voyageurs.

Quelles opportunités pour les étudiants et l’Université ? Les étudiants et universitaires d’Andorre ne pouvaient  qu’être sensibles aux opportunités offertes par l’association avec l’UE : reconnaissance des qualifications professionnelles et universitaires, libre circulation des professionnels, programme d’échanges inter- universitaires ( voyez le succès du programme Erasmus), participation à des programmes de recherche….La liste est longue dès lors que l’association peut porter sur les programmes de coopération  de l’UE et qu’il suffira que les négociateurs s’accordent pour permettre à Andorre de participer aux programmes européens en matière d’éducation, de coopération universitaire  ou de recherche.

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