Une société de services andorrane a-t-elle la possibilité de faire travailler ses salariés en France ou en Espagne ?

Albert-Barroso-2-150x150Une société de services andorrane a-t-elle la possibilité de faire travailler ses salariés en France ou en Espagne ?

La question est traitée par le consultant senior d’Augé Grup (le département juridique et fiscal) Albert Barroso Enrich:

Le marché andorran peut être très intéressant pour un grand nombre de sociétés tant par des profils riches et variés des clients potentiels (touristes, résidents, investisseurs ou autres) que par des services demandés.

Cependant, de plus en plus souvent, les professionnels basés dans un pays cherchent à fournir un service à distance, nécessitant parfois une présence physique ponctuelle à l´étranger.

De la même façon, un professionnel domicilié en Andorre montre un grand intérêt pour les marchés de proximité, à savoir le français et l´espagnol. En effet, il existe une multitude de sociétés et de professionnels indépendants installés dans la Principauté, ils profitent des avantages fiscaux qu´offre l´Andorre, mais visent également les marchés voisins en France et en Espagne qui sont très attractifs.

On peut donc soulever quelques problématiques : Les services fournis physiquement en France et en Espagne sont-ils imposés par ces pays ? Un salarié andorran fournit ce service en dehors de l´Andorre, les impôts sur les revenus perçus sont acquittés dans quel pays ? 

Les Conventions fiscales visant à éviter la Double Imposition (CDI) entre l’Andorre et l’Espagne ou la France, en vigueur depuis 2016, définissent deux situations : d´une part, le cas des revenus perçus par la société lors du déplacement de ses salariés et, d´autre part, le cas des revenus personnels (salaire) perçus par les personnes physiques suite aux services fournis. Les deux situations sont similaires dans le contenu, et, par conséquent, les conclusions sont identiques. 

Imposition sur les bénéfices de la société provenant des revenus d´origine étrangère

Pour les revenus de la société qui procèdent de l’Espagne ou de la France, l’article 7.1 du CDI énonce que :

« Les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant [Andorre] ne sont imposables que dans cet Etat [Andorre], à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant [Espagne, France] par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre Etat [Espagne, France], mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable. »

Pour éclaircir le concept Établissement Stable, l’article 5 du CDI le définit de la façon suivante :

Au sens de la présente Convention, l’expression « établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

Un chantier de construction ou de montage ne constitue un établissement stable que si sa durée dépasse douze mois.

[…] lorsqu’une personne – autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 6 – agit pour le compte d’une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l’entreprise.

Une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un Etat contractant [Espagne, France] du seul fait qu’elle y exerce son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre ordinaire de leur activité.

 Par conséquent, le revenu perçu par la société andorrane est exclusivement imposé en Andorre si cette société ne dispose pas d´agent propre situé en France ou en Espagne ayant la capacité de conclure des contrats en son nom. Car il n’existe aucun établissement stable en France ou Espagne. Dans la même logique, une société andorrane peut avoir recours à un professionnel indépendant (courtier, agent) ou bien affecter ses salariés à un chantier pour une durée inférieure à 12 mois en étant imposé exclusivement en Andorre.

Imposition des revenus de l’employé en mission à l´étranger

Dans le cas de l´imposition sur le revenu perçu par le salarié pour son travail fourni en Espagne ou en France, l’article 14.2 du CDI prévoit les mesures suivantes :

[…] les rémunérations qu’un résident d’un Etat contractant [Andorre] reçoit au titre d’un emploi salarié exercé dans l’autre Etat contractant [France, Espagne] ne sont imposables que dans le premier Etat [Andorre] si :

1. le bénéficiaire séjourne dans l’autre Etat [France, Espagne] pendant une période ou des périodes n’excédant pas au total 183 jours durant toute période de douze mois commençant ou se terminant durant l’année fiscale considérée, et

2. les rémunérations sont payées par un employeur ou pour le compte d’un employeur qui n’est pas un résident de l’autre Etat [Espagne, France], et

3. la charge des rémunérations n’est pas supportée par un établissement stable que l’employeur a dans l’autre Etat [Espagne, France].

Par conséquent, si la présence, en Espagne ou en France, de l’employé de la société andorrane ne dépasse pas 183 jours par an et si les rémunérations sont versées par une société andorrane (ou depuis un autre pays, en dehors de l´Espagne ou de la France) les revenus seront exclusivement imposables selon les modalités de l´IR andorran.

En définitif, aussi bien les sociétés que leurs salariés-résidents en Andorre peuvent bénéficier d’un marché étranger vaste, tout en profitant des avantages fiscaux andorrans. Les Conventions pour éviter la Double Imposition sont des outils fondamentaux pour la délimitation des différents impôts applicables au sein d’une activité internationale.

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