Max Cooper : Visualiser l’Infini

Max Cooper: Visualiser l’Infini

Max Cooper parle de son dernier album, de l’intégration d’idées scientifiques dans la musique, de sa passion pour l’art vidéo, des façons de visualiser l’infini et d’autres sujets intéressants

Max Cooper s’est toujours distingué des DJ et producteurs célèbres de musique électronique. Sa musique ne pourrait pas être clairement classifiée et marquée par un cliché “compréhensible pour la plupart des gens”. Son approche est basée sur de nombreuses influences musicales, ainsi que sur sa formation scientifique.

L’étude de la génétique et de la biologie des systèmes à l’université a eu un impact considérable sur l’art de Max Cooper. Ses impressionnants spectacles, qu’il joue dans le monde entier lors de grands festivals et dans certains des meilleurs clubs, regorgent d’idées scientifiques. Ces concepts scientifiques, ainsi que sa passion pour l’art vidéo et la musique électronique émotionnelle, transforment chaque performance de Max Cooper en une expérience audiovisuelle unique et inoubliable.

 

Le dernier album de Max Cooper, “Yearning for the Infinite” a été spécialement créé sur ses visuels de base et, pour l’instant, il s’agit de la quintessence de ses essais qui consistent à diffuser des messages globaux dans l’art, reliant musique, science et art vidéo en même temps.

Nous avons eu l’occasion de discuter avec Max Cooper sur les thèmes sous-jacents de son dernier album, de la façon dont il visualise l’infini, de ses œuvres dans le domaine des installations audiovisuelles, des influences musicales, des lieux de prédilection pour jouer sur scène et de nombreux autres sujets intéressants.

Interview: Dmitry Tolkunov

Salut Max! Tu viens juste de finir un excellent nouvel album “Yearning for the Infinite”, un travail conceptuel vraiment énorme et sérieux, complété par des vidéos superbes et impressionnantes pour chaque piste et doté d’un contenu visuel spécial lorsqu’il est joué en direct. Peux-tu nous parler un peu de ce travail, de son idée et message principaux, ainsi que des personnes avec lesquelles tu as collaboré?

Cette œuvre fut une demande du Centre d’Art et Musique Barbican de Londres. Ils m’ont chargés de faire un travail dont le thème principal soit les nouvelles technologies et leur impact dans la société, spécialement sur des aspects tels que la technologie financière et l’apprentissage automatique. Ils m’ont envoyé leur mémoire et m’ont demandé de proposer une idée de projet pour un spectacle et un album. J’ai essayé de prendre comme idée principale celle de montrer les résultats de l’avancée technologique et la façon dont les humains recherchent sans cesse vouloir plus d’argent ou que leur équipe de football gagne ou réalise certaines choses – ce besoin sans fin de croissance et de poursuite d’objectifs qui sont caractéristiques de la culture occidentale. Ce sont les principaux aspects sous-jacents de ce travail.

J’ai essayé de les résumer dans un format visuel et de faire différents types de visualisations de ces aspects de la nature humaine et de les mélanger visuellement. J’ai travaillé dessus avec différents vidéastes, ainsi qu’avec des scientifiques et mathématiciens. Et j’ai aussi travaillé avec des cinéastes sur des images de personnes en train de faire des choses typiques de la ville, comme conduire au travail, et  les mélanger à une visualisation infinie.

J’ai essayé de raconter l’histoire dans “Yearning for the Infinite” sur la nature humaine et la vie moderne en utilisant des formes visuelles abstraites. J’ai commencé par créer une histoire, j’ai écrit beaucoup de chapitres, puis j’ai trouvé beaucoup d’artistes en arts visuels avec qui j’ai travaillé sur le contenu. Ensuite, j’ai composé la musique pour ces chapitres et pour les éléments visuels. À la fin, tout cela a été créé comme un spectacle visuel spécial avec de nombreux écrans autour du public. J’ai essayé de rendre ce facteur infini plus fort en utilisant différentes surfaces pour les éléments visuels, ce qui a abouti à un “habillage” du public qui rendait les choses vraiment intenses.

Tu as travaillé sur “Yearning for the Infinite” avec un grand nombre de personnes issues de différents cercles, ainsi que des représentants de l’art contemporain et des  scientifiques. Peux-tu nous en dire un peu plus sur les personnes qui t’ont aidé à réaliser ce projet?

Kevin McGlouhin et Patrick McGlouhin ont réalisé d’excellentes vidéos. Martin Kryziwinski, Andrew Loman sont les mathématiciens qui ont aidé à visualiser les chapitres avec l’art mathématique.

De plus, je travaillais avec mon collaborateur de longue date, Nick Cobby. Il a fait de belles prises de vue avec un drone de la ville de México. Nino Actin a réalisé un visuel pour le chapitre basé sur l’apprentissage automatique, avec des milliers d’échelles d’espace, il disposait d’un système spécial d’apprentissage automatique qui trouvait des similitudes entre ces échelles et les transformait ensemble.

Il y avait un tas d’approches différentes; chaque chapitre cherchait à visualiser l’infini et la place des gens dans le système dans lequel nous existons. C’était vraiment un projet amusant.

Les visuels étant une partie sérieuse et indispensable de ce projet, il serait intéressant de savoir ce que tu pensais en premier lorsque tu y travaillais – la musique, l’histoire ou les visuels?

L’histoire est venue en premier. Le point de départ était une idée sur le lien entre l’infini et la nature humaine. Ensuite, j’ai fait beaucoup de lectures et de recherches et l’histoire a commencé à prendre forme. Après que l’histoire ait commencé, des idées visuelles ont commencé à se former. J’ai écrit ces idées visuelles dans un texte et j’ai commencé à créer cette histoire visuelle imaginaire dans ma tête. J’ai commencé à discuter avec différents artistes visuels pour donner vie à ces idées et les transformer en vidéos réelles. Soit, les idées sont venues en premier, puis les visuels et la musique ont été les derniers.

Peut-on dire que cette approche conceptuelle introduisant des messages et des idées comme colonne vertébrale dans les albums est plus ou moins ta marque?

Oui, il y a environ 10 ans, j’ai commencé à expérimenter différentes manières d’intégrer des idées à la musique. J’ai étudié la science pendant plusieurs années avant de faire de la musique et j’ai toujours pris beaucoup de plaisir à lire différents ouvrages scientifiques et philosophiques et j’aimais aussi beaucoup les arts visuels. Je me suis donc vraiment intéressé à réunir mes passions pour la science, la musique et les arts visuels. Le premier album (quand j’ai commencé à parler avec des scientifiques pour apporter la base scientifique aux images) était “Emergence”. C’était un processus tellement amusant et enrichissant que j’ai décidé à partir de ce moment-là de suivre cette voie.

Je pense que la nature est intrinsèquement belle et que la science est un processus d’étude de la nature. Ainsi, lorsque vous réalisez ces vidéos scientifiques, elles ont tendance à être très belles également et fournissent de superbes graphismes abstraits pour le spectacle. Et le public n’a pas vraiment besoin de savoir ce qui se passe et de s’intéresser à ces idées, il voit juste quelque chose de vraiment beau. Pour moi, j’ai beaucoup de plaisir à étudier ces idées et à relier ma musique à ces images.

Penses-tu que cette approche multidisciplinaire, lorsque tu as une histoire visuelle combinée à des idées scientifiques indispensables au spectacle, est une tendance croissante et, d’une certaine manière, une voie de développement futur de la musique électronique et de l’art contemporain?

Oui, il semblerait que beaucoup de gens fassent de nombreuses choses intéressantes reliant musique, aspect visuel et technologies. C’est une très bonne façon de travailler et les technologies que nous disposons actuellement nous permettent de le faire. Je pense que cette approche continuera à se développer et qu’il y aura plus de gens qui y participeront à l’avenir.

Il serait intéressant de connaître ta base scientifique, ce qui t’ aide à obtenir les idées que tu exprimes dans la musique. Qu’as-tu étudié?

– J’ai étudié la génétique, puis je suis allé en biologie des systèmes – une discipline basée sur la simulation de l’évolution des réseaux G afin d’étudier comment chaque petite cellule de notre corps et de chaque être vivant possède une sorte d’ordinateur à l’intérieur, avec ses propres algorithmes de travail, qui indiquent à la cellule comment réagir à l’environnement et comment elle doit se comporter. Cela pourrait être comparable au même type d’algorithmes informatiques que nous avons dans nos téléphones et qui nous répondent lorsque nous appuyons sur les boutons. J’ai étudié comment ces systèmes peuvent évoluer.

C’était vraiment intéressant et ce travail me manque. C’est pourquoi j’ai commencé à travailler avec des scientifiques afin d’intégrer ces idées dans ma musique. En fait, toutes ces idées scientifiques sont dans les visuels de mon spectacle, où vous pouvez les voir. Mais musicalement, ces liens ne sont pas aussi forts. Si vous mettez trop de données dans la musique, ça change. La musique doit être plus stricte en termes de sonorité musicale pour nous, soit ces concepts scientifiques sont principalement exprimés sous une forme visuelle.

Musicalement, je m’exprime toujours de manière émotionnelle et intuitive. J’écris la musique comme tout le monde et j’y exprime mes émotions et mes sentiments. Donc, il y a les deux côtés de chaque pièce de musique et chaque idée visuelle. Parfois, l’idée scientifique dans ce que je fais devient une sorte de sujet dont on entend parler plus, mais en réalité, son côté humain est toujours très important et probablement la partie la plus importante. C’est encore de la musique traditionnelle, je veux clarifier ceci.

En plus de faire de la musique et de créer ton propre spectacle, tu as également participé à la création d’installations audiovisuelles impressionnantes telles que “Behavior Morphe”, que tu as réalisées avec Zaha Hadid Architects et “Aether” avec Architecture Social Club. As-tu de nouveaux projets dans ce domaine?

Eh bien, je peux dire que le dernier travail dans ce domaine est le spectacle audiovisuel du nouvel album. J’ai développé un nouveau système visuel pour ce spectacle, projetant les visuels sur de nombreuses surfaces avec un effet 3D.

Nous avons présenté “Aether” la semaine dernière à Glasgow et nous allons le montrer au festival Mutek à Mexico, dans quelques semaines également. Ce projet est en développement. C’est une belle installation de champs lumineux avec un effet d’hologramme 3D et des milliers de points de lumière qui se déplacent. Il y a beaucoup de potentiel pour un développement d’”Aether”, car il s’agit d’une sorte d’expérience visuelle totalement nouvelle et différente lorsque l’installation visuelle s’adapte au public plus loin, quelque part sur scène. Je suis vraiment intéressé à faire ce genre d’événements lorsque le public devient une partie intégrante de l’expérience. En fait, j’utilise aussi ce type d’approche dans mon nouveau spectacle et je pense que cela donne à une personne un sentiment beaucoup plus engageant.

Apportes-tu ce visuel maintenant à chaque spectacle que tu fais? Ou seulement à un concert plutôt qu’à un DJ set?

Je fais parfois une combinaison de mon mix de DJ avec un VJ, je l’ai déjà fait plusieurs fois. Mais c’est assez rare. Le contenu visuel est principalement fourni avec une émission en direct. Et je ne mixe pas beaucoup ces jours-ci et j’essaie de me concentrer davantage sur les concerts en direct cette année.

Tu as un large éventail d’œuvres musicales variées – beaucoup de remixes et une sorte de techno orientée dance, des sujets plus académiques tels que les interprétations de Philip Glass que tu as faites et tes albums conceptuels qui touchent toujours certains thèmes et contiennent des messages puissants. Il serait intéressant de savoir comment tes goûts musicaux ont été façonnés au fil des années – quelles ont été les premières influences et comment ont évolué tes préférences musicales?

Ma mère était professeur de piano et j’ai toujours eu un piano classique durant mon enfance. Je n’ai pas appris à jouer du piano, même si maintenant je souhaiterais pouvoir le faire, mais à ce moment de mon enfance, j’ai décidé que ce n’était pas cool.

Ma sœur aînée était très fan de musique électronique et m’a présenté à différents groupes de synth-pop comme Depeche Mode et New Order vers l’âge de 12 ans.

A la fin des années 90, j’ai découvert la scène rave et j’ai commencé à sortir en boîte. J’ai quitté l’Irlande pour aller étudier à l’université en 1999 à Nottingham et j’ai eu une véritable passion pour la musique de percussions et de drum’n’bass, puis de funk hip-hop. Ensuite, j’ai été DJ résident dans un club de techno où j’ai formé ma passion et mon goût pour la techno et j’ai développé mon style de DJ. Tout au long de mon parcours, j’ai aussi aimé la musique ambiante.

Ce sont toutes les influences principales qui ont formé mon monde musical. Lorsque, plus tard, j’ai déménagé à Londres et commencé à publier ma musique, elle est devenue une fusion de toutes ces influences, c’est pourquoi elle s’est répandue si loin. Mais principalement la corde qui tient cet ensemble est ma passion pour les accords et leur progression et une sorte de son émotionnel qui peut donner le sentiment que je veux. Pour moi, c’est plus important dans ce type de sentiment que dans des aspects comme le BPM ou le genre. Je suis libre dans ce domaine et je peux m’exprimer de différentes façons.

Depuis tes débuts en musique, tu as beaucoup tourné et voyagé dans différentes parties du monde avec ton spectacle. As-tu des endroits préférés où tu aimes jouer le plus?

Il y a des endroits où j’ai vraiment un très bon feedback. Par exemple, notamment à Tokyo, Mexico et Moscou. Ces trois villes sont vraiment mes préférées. Mais il arrive parfois que des choses vraiment géniales se produisent dans des endroits que vous ne connaissez pas vraiment et ne savez pas à quoi vous attendre, et vous obtenez tout à coup un feedback positif.

As-tu déjà eu l’occasion de te produire en Andorre ou dans les environs des Pyrénées?

Oui, j’ai joué en Andorre il y a quelques années au festival Electrosnow. C’était sympa. La seule chose dont je peux me plaindre, c’est que le chemin du retour dans les montagnes se faisait par une route très venteuse et que ce n’était pas le plus agréable après la petite gueule de bois que j’avais après la fête!

Nous espérons vraiment te revoir prochainement lors de certains événements en Andorre ou quelque part dans les Pyrénées et nous te remercions pour cette conversation intéressante.

Merci beaucoup.

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