Le monde sous-marin est un monde presque extraterrestre, selon Lluis Manel Montoro, l’Andorran diplômé en journalisme audiovisuel, plongeur professionnel et co-auteur d’un film documentaire sur le monde sous-marin

L'Andorran de 45 ans diplômé en journalisme audiovisuel, Lluis Manel Montoro

L’Andorran de 45 ans diplômé en journalisme audiovisuel, Lluis Manel Montoro, est passionné par la mer. Il possède actuellement sa propre société de production audiovisuelle, FilmAnd, avec laquelle il réalise des films aériens, terrestres et sous-marins. Il est d’autre part plongeur professionnel. En mars 2021, il a présenté, avec Ramon Casabayó, son documentaire «Isla del Coco, Sanctuaire de la Biodiversité Marine», dans le cadre du cycle de films consacrés à la montagne et aux voyages, à La Massana (en Andorre). C’était l’une des projections les plus réussies du cycle, alors nous avons pensé qu’il serait intéressant d’en connaître le réalisateur un peu plus.

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Dites-nous quelques mots sur la façon dont un Andorran est devenu plongeur professionnel?

Oui, je suis d’accord, cela peut sembler étrange qu’un habitant de haute montagne soit devenu plongeur. Cette passion m’habite depuis mon plus jeune âge. Mes parents m’ont fait découvrir les documentaires du commandant Cousteau qui m’ont fasciné. J’ai rêvé de plonger parmi les baleines, les dauphins et les requins et j’ai toujours pensé que tôt ou tard j’allais le faire. Un jour, mon ami m’a suggéré de faire un baptême de plongée sous-marine et depuis je n’ai jamais pu m’arrêter de plonger.

Etes-vous d’accord avec la phrase: la profondeur est comme une autre liberté? Qu’est-ce que ça veut dire?

Je suis entièrement d’accord. Le monde sous-marin est un monde de silence, en apesanteur et haut en couleurs. C’est un monde presque extraterrestre et complètement différent. Sous l’eau, il n’y a que toi, ton souffle et ton esprit. 45 minutes sous l’eau me détendent plus que 3 heures de yoga.

Vous êtes co-auteur du documentaire sur L’île Cocos au Costa Rica. De quoi parle ce film? Quand est-il sorti? Qui l’a financé? Quels sont les épisodes de tournage les plus intéressants? À quels festivals sera-t-il diffusé?

C’est une expédition que Ramon Casabayó et moi avons faite en décembre 2019. C’était le dernier grand voyage avant la pandémie. L’île Cocos est très spéciale. En raison de son isolement, de sa protection et de l’absence de colonisation humaine, elle est considérée comme un laboratoire naturel unique au monde. En fait, elle a servi de tournage en extérieur pour le film « Jurassic Park » et vraiment, quand vous le voyez pour la première fois, cela vous ramène à cette époque.

C’est une expédition que nous avons financée nous-mêmes.

L’un des épisodes les plus intéressants de notre documentaire est, sans aucun doute, la danse d’accouplement des raies mantas, les plus grands membres de la famille des Mobulidae. C’est un épisode unique et irremplaçable, nous sommes très chanceux de l’avoir filmé. Ces «oiseaux de mer» sont si élégants, si gracieux et tellement tranquilles. Ils peuvent mesurer jusqu’à 4 mètres de large.

La magie consistait dans le fait qu’à un moment aussi intime de leur vie, ils nous permettaient d’être présents à proximité. C’est inestimable! On peut également voir les requins-marteaux s’approcher timidement de la caméra ou même le roi de la région, le requin tigre. Contrairement à la croyance populaire, les requins sont timides.

Pour l’instant, nous avons été contactés par plusieurs communes de la Costa Brava pour participer à divers festivals cet été. Nous en sommes très heureux.

Les scientifiques du monde entier débattent activement du problème de la pollution sonore sous-marine et du fait que le bruit artificiel peut avoir des effets néfastes sur les animaux marins. Que savez-vous de ce problème et de son impact sur le monde sous-marin? Comment les scientifiques proposent-ils de s’attaquer à ce problème?

Je pense que le meilleur exemple que nous ayons eu était pendant le confinement mondial – une période sans bateaux de plaisance, sans bateaux de pêche et sans bateaux de transport actifs… Les baleines, les dauphins, les requins, les tortues… se sont approchés des plages.

La pollution sonore est un problème à la fois dans et hors de l’eau. Et nous ne parlerons pas des bruits produits par les équipements militaires, qui faussent complètement la perception des champs électromagnétiques des grands mammifères marins et d’autres habitants pélagiques.

L’acidification des océans et le réchauffement climatique sont d’autres problèmes graves qui constituent une menace croissante pour le monde sous-marin. Comment évaluez-vous l’ampleur de ces problèmes aujourd’hui?

C’est très grave. Aujourd’hui, toutes les barrières de corail sont en danger. Outre les coraux, il existe d’autres espèces très sensibles à ces changements, comme les mollusques, les étoiles de mer ou les oursins. Si l’acidité de la mer change, de nombreuses espèces ne s’adapteront pas et disparaîtront, créant un déséquilibre dans l’écosystème qui est difficile à inverser et a de graves conséquences.

Selon les médias mondiaux, un blanchissement des coraux à grande échelle s’est produit dans la Grande Barrière de Corail d’Australie l’année dernière, causé par des températures élevées. Il s’agit du cinquième événement de ce type à avoir lieu dans cette réserve naturelle unique. Le premier blanchissement a eu lieu en 1998, puis un autre en 2002. Deux autres cas se sont produits en 2016 et 2017. Les scientifiques ont déjà observé des effets négatifs sur les poissons, tortues, mollusques et autres animaux marins de la région. Que pensez-vous de cela?

J’ai vécu en Australie et je connais assez bien ses fonds. Dans la Grande Barrière de Corail, j’ai vu de nombreuses zones de corail blanc, ce qui revient à dire de corail mort. Et c’est un problème très grave car il est prouvé que ce corail ne se régénère pas. Je comprends que le corail est, pour la faune marine, ce qu’est une forêt pour la faune terrestre. Sans cette base, sans ce refuge, les animaux ne survivent pas. Les vagues de chaleur marines affectent gravement les écosystèmes marins du monde entier, et la Méditerranée ne fait pas exception.

Selon une étude de l’Université de Barcelone, en Méditerranée, ces événements climatiques extrêmes et les épisodes de mortalité massive des espèces qui en découlent deviennent de plus en plus intenses et fréquents. Etes-vous d’accord avec cela?

Je suis tout à fait d’accord, et même si je ne suis pas biologiste, en tant que plongeur, je peux dire que je vois de moins en moins de poissons dans la mer et de plus en plus de plastique. Moins de vie chaque jour… Ce n’est pas seulement une question de changement de température, c’est aussi une question de pollution constante et inexorable, de changements chimiques dans l’eau, dans l’atmosphère, dans les terres que nous cultivons. COVID-19 est comme un jeu d’enfant par rapport au changement climatique. Et nous n’avons pas de vaccin pour cela.

La République des Palaos, un État multi-insulaire de Micronésie dans l’océan Pacifique, est devenue le premier État au monde à interdire la vente et l’importation dans le pays d’écrans solaires contenant des ingrédients nocifs pour les coraux. L’interdiction, adoptée par le parlement du pays, est entrée en vigueur en 2020, avec une amende de 1000 dollars pour l’utilisation de ces crèmes. Pensez-vous que cette pratique devrait être appliquée dans d’autres pays? Moi, par exemple, je pense que cette décision est juste. Si vous voulez prendre le soleil, faites-le près de la piscine. Si vous souhaitez nager dans la mer ou dans l’océan, portez des vêtements plus appropriés!

Je connais aussi les Palaos. C’est un paradis. Ce qui m’a le plus surpris, c’est qu’ils ont inclus la protection de leur environnement naturel dans leur constitution. Nous devons apprendre des autres pays. Les Palaos ont été l’un des premiers pays à interdire les écrans solaires contenant des agents chimiques. Aujourd’hui, d’autres pays, comme le Costa Rica, font de même. Je pense que le monde entier devrait les interdire.

Vous avez dit que vous aviez également le projet de faire de la plongée sous-marine sous les icebergs de l’Arctique. Quand cela peut-il être fait? Comment vous entraînez-vous?

Je ne sais pas si je pourrai réaliser ce rêve un jour. Je dois suivre une formation spécifique pour plonger sous les Icebergs. Cela demande beaucoup de technique et surtout du sang froid. Contrairement à la plongée en apnée, en plongée sous-marine il n’est pas nécessaire de faire des exercices de respiration ou d’avoir une grande capacité pulmonaire ; le plus important est la santé mentale et d’avoir la tête froide, savoir analyser un problème et trouver des solutions sans panique ni hyper ventilation.

Envisagez-vous de faire un autre film? Ou peut-être avez-vous l’intention d’écrire un livre?

Je n’ai pas encore assez de temps pour m’asseoir et écrire un livre! Mais je vais certainement faire un nouveau film. Nous avons juste besoin que la pandémie recule afin d’être autorisés à voyager à nouveau.

Merci beaucoup et bonne chance!

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