L’académicienne Elena Korneva: les voies du dialogue entre les systèmes immunitaire et neuronal

Elena Korneva est académicienne à l’Académie des sciences de Russie, docteur en sciences médicales, professeur, chercheur en chef et conseiller scientifique au département de Pathologie générale et de Physiopathologie de l’Institut de médecine expérimentale.

Elle est l’une des fondatrices d’une nouvelle discipline scientifique, la neuroimmunophysiologie, dont le développement a été largement initié par sa découverte de l’influence certaine de la structure cérébrale sur l’intensité de la réponse immunitaire. Mme Korneva a découvert dans les années 60 la faculté de structures cérébrales à se mettre en veille en cas de blessure et à stimuler la réponse immunitaire en cas de besoin. Ces travaux ont jeté les bases d’une nouvelle voie d’étude qui s’est développée et est devenue une discipline scientifique – la neuroimmunophysiologie.

Les systèmes nerveux et immunitaire sont apparemment complètement différents, bien qu’il soit évident qu’ils interagissent l’un avec l’autre. Comment sont-ils interconnectés?

Le système immunitaire a pour fonction de percevoir des signaux d’une certaine nature, ce qui s’apparente à une fonction sensorielle. Les cellules du système immunitaire perçoivent l’apparition dans le corps de substances génétiquement étrangères. Cette propriété est caractéristique de la reconnaissance des antigènes et d’un certain nombre d’autres cellules du système immunitaire.

Les organes du système immunitaire – moelle osseuse, thymus, rate – sont reliés au système nerveux central par les nerfs sympathiques. L’information sur l’entrée d’antigènes bactériens et de LPS dans la cavité abdominale, les intestins et certains organes parenchymateux parvient au  cerveau par la voie parasympathique. En cas de transection du nerf vague, les neurones du SNC ne réagissent plus à leur introduction.

Il y a encore 20 ans, il était difficile d’imaginer de tirer des conclusions à partir des expériences réalisées à ce sujet tant elles étaient peu nombreuses et au stade de préliminaires.

Sur la base de nombreuses données devenues axiomatiques et d’un certain nombre d’études assez précoces, il est évident que l’information de l’apparition d’une protéine étrangère atteint assez rapidement le système nerveux central. Cela a été mis en évidence par les données d’études électrophysiologiques qui ont montré que l’administration intraveineuse de divers antigènes à des animaux de laboratoire (lapins, rats) amorce une modification de l’activité électrique de l’hypothalamus et des structures cérébrales limbiques 9 à 30 minutes après ces injections.

Des études et analyses électrophysiologiques déterminant le nombre de cellules contenant la protéine c-Fos – un marqueur de l’activation des neurones dans les structures de l’hypathalamus- indiquent que le modèle d’activation des structures cérébrales est différent après l’introduction de divers antigènes.

Le complexe présenté dans la littérature et nos propres données nous permettent de formuler une hypothèse sur l’organisation du processus de transfert d’informations du système immunitaire vers le cerveau le long des nerfs autonomes. Il est important de souligner que ce processus se produit en quelques minutes. La réponse aux informations reçues est réalisée par des mécanismes reflexes et renvoie à ce que l’on peut observer en quelques secondes en cas d’inflammation («réflexe inflammatoire»). Il s’agit d’une récente découverte fondamentale dans l’étude des fonctions de régulation du système immunitaire. L’activation du système nerveux parasympathique entraîne une diminution des processus inflammatoires.

Le fait est que ces nouvelles données changent considérablement notre compréhension de l’organisation des fonctions du système immunitaire dans un organisme entier. C’est une révolution! Conformément à ces données, les informations sur les événements survenant dans le système immunitaire sont rapidement transmises au cerveau qui apporte une réponse spécifique; ceci signifie que le cerveau reçoit des informations à propos de la nature de l’antigène et ça, c’est complètement nouveau.

Récemment, des études sur la stimulation électrique et mécanique du nerf vague ont été menées. Quelle est l’efficacité de cette stimulation?

L’utilisation de méthodes bioélectroniques modernes a permis une exposition ciblée sur les voies nerveuses impliquées dans l’échange d’informations entre le système immunitaire et le cerveau. Des algorithmes d’irritation électrique du nerf vague ont été développés pour utiliser cet effet pour traiter différentes maladies.

La recherche fondamentale dans le domaine de la neuroimmunophysiologie est à la base du développement de nouvelles méthodes pour le traitement de maladies infectieuses, allergiques, tumorales et auto-immunes.

Interview : Ivan Stepanyan

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