Il y a eu de grosses avalanches à Gasherbrum II l’année dernière, ce qui est une conséquence du changement climatique, explique l’alpiniste Gonzalo Fernández

L’Andorre a inauguré le XIVème cycle de cinéma de montagne et de voyage. Le premier protagoniste est Gonzalo Fernández, 29 ans, un alpiniste galicien vivant en Andorre depuis plus de 20 ans, qui a présenté un documentaire sur l’expédition de jeunes alpinistes des Pyrénées au Pakistan, où il a réussi à couronner le Gasherbrum II avec son équipe. Il a parlé à Toutes les Pyrénées du succès d’une telle expédition et partage ses projets d’avenir.

Interview : Irina Rybalchenko

Quelle était la composition de l’expédition? Que pouvez-vous dire sur la préparation mentale et physique ? Combien de temps faut-il pour bien se préparer ?

L’expédition a été formée par un groupe de jeunes alpinistes des Pyrénées, avec l’idée de couronner un sommet de plus de 8000 mètres sans l’aide d’oxygène ni de porteurs d’altitude.

Quant à la préparation, il ne s’agit pas de quelques mois d’entraînements forts, sinon de l’accumulation de nombreuses années d’expérience en haute montagne.

Le plus gros problème auquel nous sommes confrontés là-haut, plutôt qu’un problème de difficulté technique, est le problème qu’en cas d’accident, un sauvetage hypothétique est très peu probable.

Donc il faut se rendre à l’expédition physiquement comme si on allait faire un ultra trail mais avec la tête assez forte pour ne pas être bloqué, et pouvoir se concentrer uniquement à ne pas faire d’erreur.

Vous avez dit que Gasherbrum II de 8035 mètres se compose de 4 camps : le camp N1 – à 5950 mètres, le camp N2 – à 6550, le camp N3 – à 7000, et le camp N4 – à 7300 mètres. Comment s’est passé le processus d’acclimatation, étant donné que vous n’avez pas utilisé d’oxygène supplémentaire ? Comment vous êtes-vous reposé, comment avez-vous cuisiné, qu’avez-vous mangé ?

Aujourd’hui, le camp N4 est pratiquement inutilisé, car dormir à 7400 mètres augmente le risque d’œdème ou de problèmes de mal d’altitude. Dans notre cas notre camp le plus haut était à 7000 mètres. Cela permet de mieux se reposer. Mais en revanche le jour de pointe il fallait affronter plus de mille mètres de dénivelé, ce qui à ces hauteurs est très dur.

L’acclimatation était assez bonne, bien qu’un peu juste. Il consistait en 3 montées-basses pour équiper les camps, monter le matériel et la nourriture et habituer le corps à la hauteur.

Honnêtement, il nous fallait une montée-basse de plus pour terminer l’installation, mais après une réunion avec toutes les autres expéditions, nous avons décidé de faire une attaque conjointe au sommet le 18 juillet, car il y avait beaucoup de nouvelle neige.

Quant à la nourriture du camp de base, nous avons eu des cuisiniers qui nous ont fait du riz, des pâtes, voire de la pizza un jour.

En hauteur, pour ne pas porter trop nous avons emporté des aliments lyophilisés. Les aliments lyophilisés sont des aliments cuits naturels déshydratés à basse température dans des lyophilisateurs. Vous ajoutez de l’eau chaude, et en quelques minutes tout est prêt à manger. Il y en a plusieurs types, nous avons emporté beaucoup de couscous avec des légumes et des pâtes.

Quels ont été les moments les plus mémorables de l’expédition ? Est-ce que c’était super difficile? Était-ce effrayant parfois?

Je me souviens de presque tout, dès la première minute. Quelle que soit l’expédition, voyager dans un pays comme le Pakistan est une aventure en soi.

Je resterai certainement avec le câlin au sommet avec mon partenaire Lluis.

C’était vraiment dur, c’est vrai. Principalement en raison de la nécessité de transporter des sacs à dos pesant plus de 20 kg sur une distance de plus de 6000 mètres. Il n’y avait pas de peur en tant que telle… Si vous avez peur, mieux vaut ne pas y aller. La peur peut vous causer un échec avec des conséquences fatales.

Il y a des moments où l’on sait qu’il n’y a pas le droit à l’erreur. Et surtout cette année où la montagne n’était pas équipée de cordes fixes à partir de 7300 mètres jusqu’au sommet, ça veut dire si tu tombes… tu tombes.

Quel matériel avez-vous besoin pour emmener à la montagne ?

On a besoin beaucoup de matériel pour affronter l’ascension à 8000. Mais entre autres, le matériel spécifique pour une telle expédition serait la combinaison intégrale en plumes, conçue pour marcher jusqu’à -40, des bottes d’expédition beaucoup plus grandes et lourdes que les bottes normales, et un sac de couchage également conçu pour les températures extrêmes.

Au total par personne nous avons transporté environ 60 kg de matériel jusqu’au camp de base, d’où l’importance de monter et descendre plusieurs fois pour répartir le poids.

Quel était le bilan de l’expédition ?

Il est environ 10 000 €, même si ce serait un prix bon marché, en tant que personne qui souhaite partir avec un porteur ou l’oxygène et d’autres luxes, le prix peut être multiplié par 2 ou 3.

Selon les scientifiques, le glacier au sommet de l’Everest fond assez rapidement. Les futures ascensions sont en cause : l’état actuel du glacier provoquera d’avalanches. Avez-vous entendu d’un tel problème? A quoi ressemblent les glaciers du Gasherbrum II ?

Le changement climatique affecte malheureusement toutes les montagnes de la planète. L’année dernière à Gasherbrum II, nous avons eu des journées très chaudes, et cela a provoqué de très grosses avalanches, et les fissures dans le glacier étaient très ouvertes.

Les habitants nous ont raconté qu’il y a 20 ans, au même endroit, le glacier était environ 30 mètres plus haut. Cela me fait vraiment peur…

Il y a une phrase : « Le plus important n’est pas de monter dans les montagnes sinon rentrer chez soi. » Etez-vous d’accord pour dire que la descente est plus difficile que la montée ?

Grand alpiniste autrichien, Kurt Diemberger, disait qu’un huit mille n’appartient qu’à vous quand vous êtes de retour au camp de base. En attendant, c’est vous qui lui appartenez. Sans aucun doute, le véritable défi n’est pas de grimper, mais de grimper et de calculer les forces pour retourner au camp de base.

Vous avez participé à diverses expéditions, courses, randonnées à vélo et avez vécu des expériences d’aventures extrêmes. Pourriez-vous nous dire quels sont les aventures les plus intéressants?

Tout au long de ma vie, j’ai fait pas mal de voyages inhabituels… J’ai fait du vélo du Portugal à la Bosnie-Herzégovine tout seul. Je l’ai fait chaque année, en voyageant pendant 2 ou 3 mois, à chaque fois en commençant là où j’avais laissé l’année précédente.

J’ai fait beaucoup de courses, mais la plus belle et la plus dure a été l’Euphoria de 233 km et 20 000 mètres de dénivelé positif. Ce furent 5 jours à courir très dur jour et nuit, mais au cours desquels je me suis fait de très bons amis.

J’ai grimpé plusieurs fois en Afrique du Nord (Atlas), au Caucase, à la fois le long de la Russie et de la Géorgie, au Népal, dans les montagnes de Bulgarie, de Grèce, de Roumanie … Il y a beaucoup de montagnes à visiter, et très peu de temps et de budget pour le faire. Mais je ne peux toujours pas me plaindre.

Quels sont vos projets pour l’année à venir ? Quels sont vos rêves?

Mon rêve est de pouvoir faire de l’alpinisme toute ma vie et rien ne m’empêchera de profiter d’activités avec des amis. Les projets à venir en 2022 sont susceptibles d’inclure la visite du Népal, mais tout dépend du budget que je pourrais mettre en place pour aborder une expédition qui me plaît…

Je suis donc ouvert à de nouveaux sponsors, en plus de ceux qui m’ont déjà aidé l’année dernière !

 

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