Nous avons jeté environ 3 tonnes de sel sur la piste et la FIS a accepté la qualité de la neige, a dit Enric Barbier, directeur technique de la station de ski de Grandvalira

Enric Barbier est le directeur technique de la station de ski de Grandvalira (Andorre) où se déroulera l´Audi FIS Ski Coupe du Monde Finales 2023. Il a un rôle clé dans la préparation de l’événement, puisqu’il gère la qualité des pistes de ski. Il nous a raconté comment se déroulaient les préparatifs de la Coupe du Monde.

L’interview : Irina Rybalchenko

Comment se passe la préparation de la Coupe du Monde en général ?

Le niveau de sécurité et de préparation est très exigeant. Ce n’est pas quelque chose qui s’improvise. Il faut donc passer plusieurs années pour répondre aux exigences de la FIS.

Les travaux de préparation ont commencé dès que nous avons appris que la Coupe du Monde 2023 se tiendrait en Andorre. Cette année, comme vous le savez, il n’a pas fait froid. Il y a eu un moment où l’on s’est posé une question problématique : faut-il donner la priorité à la Coupe du Monde, au risque que cette saison de ski ne se déroule pas ?

Jusqu’au 15 janvier, quand les premiers froids sont vraiment arrivés, nous n’avons rien fait de particulier sur les pistes. Parce que cela n’avait pas de sens. Ces pistes étaient fermées au public car il n’y avait pas de neige.

Après cette date, nous avons commencé les travaux de préparation. Mais il y a aussi une composante commerciale qu’il ne faut pas négliger. Pendant un certain temps, les pistes ont été ouvertes à tous. Et nos clients en ont donc profité.

L´Avet est une piste plus technique. Nous l’avons fermée plusieurs fois afin de fabriquer de la neige. La dureté de la neige est très importante pour cette piste. Nous l’avons fermée au public à peine deux semaines avant le début de la Coupe du Monde.

Néanmoins, la neige sur les pistes est loin d’être idéale. On parle même de la fermeture prochaine de la saison de ski cette année. Quelle est la probabilité que la FIS annule la Coupe du Monde ?

On ne le sait jamais jusqu’au jour de la compétition. Il y a une semaine, nous avions des conditions parfaites. Avec les dernières chaleurs et trois jours de pluie, la qualité de la neige a changé.

La délégation FIS est arrivée il y a quelques jours, et, surtout le matin du 13 mars lors de la première inspection, je doutais vraiment que nous fassions le test le jour même. Mais nous avons jeté beaucoup de sel sur la piste – environ 3 tonnes – et la FIS a accepté la qualité de la neige. En conséquence, nous avons eu un bon test.

Le 14 mars, il n’était plus nécessaire d’ajouter du sel. Et bien que la précédente pluie ait été soutenue, la température a chuté et nous avons pu faire un autre test.

Est-il vrai que les gens ont dû travailler la nuit pour avoir ces bonnes conditions de neige ?

Certaines personnes travaillent la nuit parce qu’elles font fonctionner les machines qui fonctionnent la nuit. Mais généralement, le personnel commence à travailler à 6 heures du matin.

On dit qu’en Andorre, comme en Catalogne également, de vraies pénuries d’eau commencent. En raison de la construction de bâtiments à plusieurs étages, ce problème peut devenir encore plus tangible. On a besoin de beaucoup d’eau pour fabriquer de la neige. Avez-vous encore assez d’eau ou l’apportez-vous de l’extérieur d’Andorre ?

Ce sont de mauvaises informations ! Heureusement, l’Andorre n’a aucun problème d’eau. Lorsque nous produisons de la neige, aucune eau n’est gaspillée, car nous rendons l’eau à la nature. L’eau que nous transformons en neige fond quelques mois après au même endroit. Cette eau n’est ni consommée ni perdue. Nous la prenons, la transformons en neige et la restituons à l’environnement.

Je voudrais estimer le coût de la préparation des pistes pour la Coupe du Monde. Dans les conditions actuelles, combien a coûté la fabrication de 1 m³ de neige ?

Le bilan dépend du froid, de la quantité de sel qu’il faut ajouter à la neige, des frais d’électricité… Plus il fait froid, moins il faut d’énergie pour transformer l’eau en neige.

Le coût de production d’1 m³ de neige est compris entre 1 et 5 euros. Cette année, le prix de l’énergie a augmenté, donc la production de 1 m³ de neige coûte désormais plus cher. Si l’on ne considère que le coût de l’électricité, on obtient 2 euros pour 1 m³.

Calculons maintenant les coûts de préparation des deux pistes de compétition…

Je peux vous parler de toute la station. Cette année, nous avons utilisé environ 700 000 m³ d’eau. C’est ce dont nous avions besoin pour produire environ 1,5 million de m³ de neige. Si l’on ne considère que le coût de l’électricité, comme je l’ai dit avant, 1 m³ de neige coûte 2 euros. En multipliant les 1,5 millions de m³ que nous avons produits, nous obtenons 3 millions d’euros.

Et est-ce encore rentable ?

La station est rentable si elle n’est pas fermée. C’est ma réponse. La station ouverte donne vie à de nombreux secteurs connexes : hôtellerie, restauration, commerces, location de ski… Quoi de mieux ? Gagner un peu ou tout perdre ?

L’économie d’Andorre dépend largement de la neige. Le changement climatique pourrait provoquer un impact très négatif sur le PIB d’Andorre, qui découle principalement du tourisme. Partagez-vous ces inquiétudes ?

Nous ne savons pas à quoi ressemblera l’hiver l’année prochaine, ni dans deux ans, ni dans cinq ans.
Mais c’est une tendance : chaque année les hivers en Andorre sont plus chauds, et il y a de moins en moins de neige…
C’est faux. Je ne suis pas d’accord pour dire qu’il neige moins chaque année. Cet hiver était très chaud et il a peu neigé. Mais cela arrive. D’autres hivers ont été chauds auparavant. Le changement climatique est un problème mondial. Personne ne peut dire que cela ne se passe pas. Mais nous ne savons pas exactement comment cela affectera le climat en Andorre, en particulier et dans les années à venir.

Les prévisions météo de cette semaine permettent-elles d’espérer que toutes les compétitions se dérouleront sans encombre ?

Maintenant, nous récupérons petit à petit. Le 15 mars va être un peu plus froid, jeudi va être le meilleur jour ! La température remonte vendredi et il peut neiger samedi et dimanche. Je ne pense pas qu’il y ait de problème. Nous ferons toutes les compétitions !

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