Marc Vidal est considéré comme l’une des personnalités les plus influentes de l’économie numérique en Espagne et il est connu pour sa méthode révolutionnaire visant à augmenter les ventes de manière spectaculaire et à rendre célèbres des marques jusqu’alors inconnues grâce aux nouvelles technologies. Il est spécialiste en Transformation numérique et en Industrie 4.0. Il est donc naturellement devenu un “orateur” prestigieux, lauréat du Top50 World’s Economic Speakers et du Top10 Inspirational European Voices, et a été récemment désigné « Top20 LinkedIn Influencers » par le magazine Entrepreneur. Il a également reçu le TopVoices LinkedIn 2019.
Son pouvoir de communication repose sur une vision globale de l’économie qu’il a enrichie grâce à son expérience. Certaines de ses recettes sont l’utilisation d’expériences, la visualisation de concepts par le biais du storytelling, la stimulation de la créativité ou encore la création d’atmosphères multimédia combinant images et sons.
En tant que consultant international, M. Vidal compte parmi ses clients Oracle, ABB, Microsoft, IBM, Allianz, Deloitte, Everis, PWC, Ricoh, Kone ou BBVA. Il a présenté et dirigé des émissions sur l’économie et la technologie : à TVE, notamment Economía de Bolsillo et Economía de Futuro, sur Atresmedia il a participé à des émissions telles que Liarla Pardo ou Arusitys sur Bloomberg, sur NTN24 Colombia, sur CNN et sur Euronews NBC dans l’émission Good Morning Europe.
Marc Vidal fait partie des analystes ayant prédit la crise économique avant qu’elle ne se produise. En 2006, il avait déjà décrit ce qui est effectivement arrivé des années plus tard, mais il ne l’a pas fait sur un ton alarmiste, mais en le présentant comme une opportunité historique. Pour cette raison et beaucoup d’autres encore, son blog a reçu le 3º prix des EuroBlogs Awards du meilleur blog européen et l’une des mentions au meilleur blog d’Espagne. Marc Vidal a été sélectionné par le prestigieux journal économique Expansión comme étant l’un des analystes indispensables dans le domaine de la nouvelle économie.
Il publie ses livres dans la maison d’édition Planeta. Les plus remarquables de ses ouvrages sont Contra la cultura del Subsidio, ou le best-seller traduit dans une douzaine de langues Una hormiga en París qui a été sélectionné comme l’un des dix livres indispensables par Forbes Magazine, lors de son lancement. Son dernier livre, La Era de la Humanidad (La Era de la Humanidad), est déjà devenu un nouveau best-seller seulement quelques mois après sa publication.
Bien qu’il soit professeur dans des écoles de commerce et investisseur dans le domaine de la technologie, sa véritable vocation professionnelle est d’aider les entreprises et les institutions à réaliser les changements technologiques qui leur permettent d’identifier les défis posés par la transformation numérique. Il utilise sa propre méthode pour la création de nouveaux modèles commerciaux, « Disrupt Thinking », qu’il a mis en pratique avec succès dans des centaines d’entreprises. Il développe tout cela en combinant la direction de sa propre société de conseil Allrework, avec son rôle de conseiller du d-LAB de Mobile World Capital, conseiller du principal accélérateur d’affaires numériques espagnol Conector, d’analyste économique de la plateforme de télévision Atresmedia et de membre du Laboratoire européen d’anticipation politique.
Auparavant, il fonda la société de conseil numérique Cink, qui fut rachetée par la multinationale Llorente y Cuenca des années plus tard. Il a également créé et dirigé le cours de troisième cycle en stratégie numérique des réseaux pour l’IL3 à l’université de Barcelone, il fut membre du Groupe de recherche sur la nouvelle économie à l’université polytechnique de Madrid et le premier directeur du magazine Westinghouse New Economy.
Il a vécu dans plusieurs villes, dont Barcelone, Londres, Los Angeles, Milan, Rome, Paris et Panama City. Son concept d’innovation a une grande composante expérimentale. À l’âge de 17 ans, il s’installa à Paris où, après avoir essayé d’introduire des innovations dans un groupe de musiciens orientaux, il apprit de ses erreurs et découvrit ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il a donc entamé une transformation interne, qui a abouti à la création de sa première entreprise profitable.
Ses plus grandes passions sont son fils Max et sa compagne Lara.
Marc Vidal a accepté de répondre à nos questions concernant l’avenir du numérique et a prédit la disparition imminente de tous les médias imprimés.
Selon vous, qu’est-ce que le capital humain ? Le terme fut utilisé pour la première fois par l’économiste américain Jacob Minser en 1958. Comment a évolué ce concept pendant tout ce temps, et que se passe-t-il avec ce concept, compte tenu de la numérisation de la société en 2020 ?
Je ne suis pas un expert en gestion du changement ou en ressources humaines, mais il y a des personnes dans mon entreprise qui en savent beaucoup et elles me disent que, compte tenu des changements que la transformation numérique provoque dans les organisations de tout type, le capital humain doit être dérivé de compétences comportementales, telles que la capacité de bien travailler en équipe, la communication, la créativité et l’empathie, skills (compétences) qui se développent mieux grâce à l’expérience plutôt qu’au travers de programmes d’apprentissage structurés, comme un séminaire quelconque.
Quoi qu’il en soit, dire que nous devons acquérir ces nouvelles compétences, je trouve ça amusant. Les compétences requises sont singulièrement humaines, il s’agit donc davantage de les mettre en valeur que de les créer. Pour cette raison, je trouve difficile de parler de « nouvelles » compétences et je préfère parler d’être « technologiquement » plus humains. Les entreprises les plus précieuses à l’avenir seront celles qui combineront le mieux la technologie et ces compétences.
Pourquoi pensez-vous que l’année 2019 a été la meilleure année pour l’humanité et que prévoyez-vous pour la période 2020-2030 ?
Lorsque mes parents sont nés, au seuil des années 50, la plupart de la population mondiale était analphabète et vivait dans une pauvreté extrême. Au moment de ma mort, avec l’espérance de vie actuelle en Espagne ou en Andorre, l’analphabétisme et la pauvreté extrême auront été éradiqués. Il est difficile d’imaginer un plus grand triomphe pour l’humanité alors que cette comparaison ne concerne que deux générations. En 2019, comme l’indique l’article du New York Times This Has Been the Best Year Ever, chaque jour de cette année 2019, 325.000 personnes ont eu leur premier accès à l’électricité, plus de 200.000 ont eu accès à l’eau courante pour la première fois et environ 650.000 se sont branchés à Internet pour la première fois. Au cours de la décennie qui vient de commencer, nous verrons plus d’innovations que nous n’en avons jamais vues depuis que les êtres humains sont sur Terre. Nous nous dirigeons vers la normalisation de l’utilisation de technologie que nous considérons désormais comme anciennes.
La psychohistoire est une science fictive de la série de romans d’Isaac Asimov Foundation, qui utilisait des méthodes mathématiques pour étudier les processus de la société et, ainsi, il put prédire l’avenir avec un haut degré de précision. Dans les sciences modernes, ce concept est défini comme la cliodynamique : un domaine de recherche interdisciplinaire axé sur la modélisation mathématique des processus socio-historiques. Est-il possible de prédire le développement futur de la civilisation, compte tenu du niveau actuel de la société numérique ?
Je crois plus à la déduction qu’à la prédiction. Dans mon dernier livre La Era de la Humanidad, je fais un exercice de cliodynamique lorsque j’explique comment j’interprète cet avenir dans une société numérique. En fait, à la fin du livre, je fournis en bonus une histoire courte que j’imagine se déroulant en 2050. Je ne vous dirai pas ce qui se passe mais si je peux vous dire que, par exemple, dans un avenir pas si lointain, les images du cerveau vont révolutionner nos méthodes d’enseignement. Les futuristes affirment que les écoles n’apprendront plus aux enfants à lire et à écrire. Les interfaces cerveau-ordinateur rendront ces compétences obsolètes et inutiles. Et, laissez-moi jouer à être Jules Verne. D’ici 2050, nous aurons un lien direct et instantané entre le réseau et notre cerveau. Par conséquent, la mémoire ne sera plus indispensable.
Les dangers de la numérisation et de l’hygiène numérique. Que pensez-vous de l’idée que l’économie numérique elle-même ne produit rien mais qu’elle est essentiellement un outil de gestion totalitaire ?
Ceci a toujours été le cas pour chaque révolution technologique. Il y a ceux qui pensent que tout est “révisable” mais, d’après mon expérience, avec plus d’une centaine d’entreprises en cours de transformation, de la banque au secteur automobile, en passant par le secteur de la distribution ou l’immobilier et la construction entre autres, l’économie numérique ne fonctionne que lorsque leurs dirigeants comprennent la relation intense existant entre la technologie, leurs connaissances et les changement dans l’organisation. Le succès est arrivé quand ils ne se situaient pas dans l’un des deux domaines en suivant les discours officiels. Ainsi ceux qui se concentraient seulement sur le changement de la mentalité de leurs membres et de la culture de l’organisation, ont échoué ou ont mis beaucoup de temps à fixer leurs objectifs. Quant à ceux qui se concentraient seulement sur la technologie sans s’engager en même temps dans un changement culturel ont aussi eu de graves diificultés. Ceci n’a eu que des effets complets sur les projets qui ont donné une valeur de driver à la technologie alors que les processus étaient conçus et le changement de culture, et c’est alors que la véritable valeur économique de tout changer vers la numérisation se voit.
Existe-t-il un conflit entre l’intelligence artificielle et humaine en relation avec la nouvelle numérisation de la société et de l’économie ?
Il y a des pays, avec leurs gouvernements, syndicats et associations d’employeurs, qui discutent et analysent l’impact inévitable de l’intelligence artificielle sur nos vies. D’autres prennent les devants parce qu’ils ont compris les avantages d’embrasser des changements inévitables et imminents. Par exemple, en 2018, des institutions, des universités et des entreprises en Finlande ont encouragé la création d’un projet appelé Element of AI, un cours sur l’intelligence artificielle pour les personnes sans formation préalable dans ce domaine, qui offre une certification d’une façon totalement gratuite. À ce jour, plus de 2% des Finlandais ont suivi le cours. L’objectif de cette initiative est d’offrir au plus grand nombre de citoyens la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences pour travailler dans des environnements où l’intelligence artificielle occupe des espaces de plus en plus pertinents.
Cependant, nous devons savoir que ceci doit être bien articulé. L’homme sera toujours la valeur ajoutée, mais il ne sera pas facile de se confronter à l’efficacité de l’IA. L’avenir immédiat est un champ de bataille. Tout ce qu’un logiciel n’est pas capable de faire aura une valeur inestimable. Sans aucun doute, le facteur humain devra être cet élément différentiel. Les humains ne résoudront jamais un Rubik’s cube aussi vite qu’un robot, mais nous trouverons néanmoins la façon d’exposer le résultat d’un point de vue émotionnel, créatif et attractif. Il n’est pas certain que nous comprenions cette combinaison.
La numérisation de la société et de l’économie peut-elle conduire à l’émergence d’un grand nombre de pseudosciences ? Pouvez-vous énumérer les pseudosciences modernes et nous donner votre point de vue ?
Je n’y crois pas. Je pense que la technologie découvrira précisément que la science n’est science que lorsqu’elle est science.
Comment prévoyez-vous le développement des technologies de confidentialité sur Internet en lien avec l’arrivée d’entreprises indépendantes décentralisées ?
C’est un sujet compliqué. Pour comprendre mon opinion, je vais vous donner un exemple. Les nouvelles technologies, y compris les technologies d’assistance, qui surveillent et collectent des données sur la personne constituent une menace à la vie privée à cet égard. Mais ce n’est pas la seule zone de conflit. Ceci se produit dans le commerce numérique, la sexualité, les transports, l’éducation ou la vie en général. Nous sommes des arroseurs de données qui se répandent sur nous sans beaucoup de contrôle. Nous avons le sentiment que personne n’utilise toute cette amalgame de données, et si elle le fait, ce n’est pas nocif. Tout commence en acceptant le paiement suivant.
J’offre ma vie privée et, en échange, je reçois des choses « gratuites ». Cette perception du monde s’est installée et ça représente un énorme risque. La vie privée est synonyme d’autonomie, de prise de décisions indépendantes, de ne pas souffrir l’influence extérieure avant de les prendre. Ces entreprises que vous mentionnez ne seront pas un problème, mais elles devront avoir une réglementation différente. Ce sera comme parler de personnes plutôt que d’entreprises. L’individu autonome analyse, réfléchit sur ses choix et prend des décisions individuelles sans une influence extérieure indue. À mesure que les nouvelles technologies éliminent la vie privée, notre autonomie est menacée. L’augmentation des données sur le comportement des individus, leurs préférences et aversions, et leurs réponses émotionnelles à divers stimuli facilite leur manipulation et leur contrôle.
Quand les journaux et magazines papiers (non glacés) cesseront d’exister ?
Bientôt.
Les réseaux sociaux modernes sont en constante évolution. Mais, en même temps, leur essence n’est qu’une : obtenir un échantillon publicitaire, et c’est pour cela que beaucoup le rejettent. Les réseaux sociaux disparaîtront-ils à l’avenir, seront-ils remplacés par quelque chose d’autre, ou prendront-ils une autre direction ?
En ce moment, les réseaux sociaux sont plus précieux pour les données qu’ils contiennent que pour la publicité qu’ils sont capables de diffuser.
Quelle a été votre attitude envers la science-fiction et quel rôle a-t-elle joué dans le façonnement de la structure technologique et des révolutions industrielles à travers l’histoire, comme de nos jours, en 2020.
À l’âge de 10 ans, je dépensais déjà tout l’ argent de poche que mes parents me donnaient pour acheter des livres de science-fiction. Ce qu’il me restait, c’était pour des bonbons et j’avais du plaisir à les manger alors que je lisais ces livres. (rire). La science-fiction, quand elle est plus science que fiction, m’intéresse encore beaucoup. Il y a quelque temps, on écrivait une littérature de science-fiction « fantastique » qui ne se soumettait pas à des théories qui pouvaient être expliquées. De nos jours, nous avons des films et des livres qui s’efforcent à démontrer que ce qu’ils disent peut se produire tôt ou tard.
Regardez Interstellar. Il parle de courbes spatio-temporelles, de dimensions connectées, de multivers. Nous ne savons pas comment faire tout ceci, mais les théories de la relativité d’Einstein disent que c’est possible. Je pense que les êtres humains utilisent leur imagination pour définir où nous pouvons aller. Si cette « imagination » est réalisée sur la base de critères techniques réalisables à l’avenir, alors la science-fiction devient très intéressante.
Qui est votre écrivain et cinéaste de science-fiction préféré en ce moment, et pourquoi ?
J’aime beaucoup la science-fiction comme je l’ai déjà dit, mais aussi la lecture de philosophie et de poésie. Par conséquent, mes écrivains préférés sont les romanciers Ray Bradbury, en particulier pour Chroniques martiennes, et Arthur C. Clarke, en particulier à cause d’un roman qu’il a écrit en 1951 intitulé Prélude à l’espace qui est un vrai bijou. Je suis très intéressé par les écrits et les essais du professeur de philosophie économique du MIT, Peter Temin, sur ce à quoi ressemblait l’économie à certains moments de l’histoire lointaine, et comment l’avènement de nouvelles technologies l’affectait alors. Cependant, je ne me souviens pas avoir apprécié plus un livre dans la vie que Solaris de Stanisław Lem. Cette œuvre a été reprise trois fois au cinéma : en 1968 par Nikoláy Nirenburg, en 1972 par Andrey Tarkovski et en 2002 par mon cinéaste préféré, Steven Soderbergh.
Entretien: Ivan Stepanyan, Irina Rybalchenko