L’histoire d’Argelès-sur-Mer est très ancienne. Cela fait déjà deux mille ans environ que des hommes s’y sont installés, entre plaine et montagne. Les Grecs venaient à Argelès-sur-Mer, comme en témoignent les traces d’habitats, les pièces de monnaie et les pierres creusées qu’on a pu retrouver sur les montagnes surplombant La Massane. Ils s’y adonnaient notamment au culte de leurs Dieux et ainsi ce lieu avait-il un caractère sacré pour ces populations.
Plus tard au XIIIème siècle s’est vue ériger la tour de la Massane, ayant une fonction de tour de guet. Cette tour était idéalement située pour surveiller les éventuels ennemis susceptibles d’arriver, par voie maritime notamment. Par le jeu de signaux (des feux la nuit et de la fumée le jour), ceux-ci relayés par d’autres tours, l’alerte était portée jusqu’à Perpignan.
Aujourd´hui, Argelès-sur-Mer est une ville extrêmement touristique. C’est la station balnéaire la plus importante du département des Pyrénées-Orientales en région Occitanie. Elle tire son charme de ce passé bien ancré. En plus, elle est considérée comme la capitale européenne du camping.
Nous avons eu le privilège de nous entretenir avec le Maire d’Argelès-sur-Mer, M. Antoine Parra.
L´interview: Irina Rybalchenko
Argelès-sur-Mer est une ville en pleine nature qui attire de nombreux touristes. Le tourisme est donc le secteur le plus important de l’économie, n’est-ce pas ?
Au départ, c’était une ville essentiellement agricole. Il y a eu beaucoup de vignes qui ont été abandonnées dans les années 1970. Au moins 80% des vignes ont disparu à ce moment, mais ce passé se ressent encore dans les ruelles étroites de la ville.
Le tourisme a commencé à se développer dans les années 1960, après que la France a instauré les congés payés. Les Français d’alors, qui avaient travaillé toute l’année, y affluaient pour passer leurs vacances dans les campings. C’est pour cela qu’aujourd’hui la ville est devenue la capitale européenne du camping : on n’en compte pas moins de 48 actuellement !
Argelès-sur-Mer est une ville exceptionnelle où il y a la mer, les marécages, et la montagne. Elle se trouve au niveau de la mer, mais si vous êtes habitué à faire des randonnées, en moins de deux heures vous atteindrez les 1255 m d’altitude.
Le nombre de résidents permanents est d’environ 11 000 personnes, tandis que la ville a la capacité d’accueillir 150 000 personnes. Le nombre moyen d’habitants sur l’année est donc de 22 000 habitants.
Quels sont les endroits les plus intéressants de votre ville ?
C’est la nature. Tout le monde sait que les Pyrénées plongent dans la Méditerranée et c’est ce qu’on peut observer au niveau d’Argelès-même. La côte sableuse du bassin méditerranéen, depuis les Alpes maritimes jusqu’à chez nous, trouve sa limite à Argelès-sur-Mer. Là, on passe du sable à la roche. Ainsi, ici, on a 7 kilomètres de plages de sable et 2 kilomètres de plages rocheuses. Ce sont deux types de plages bien différentes.
Argelès-sur-Mer offre une biodiversité très importante. Dans la forêt de la Massane, la biodiversité est l’une des plus riches au monde, surtout en ce qui concerne les insectes.
En France, il y a 156 réserves naturelles nationales où on ne peut rien faire ; il faut laisser ce qu’on appelle la libre évolution. À Argelès-sur-Mer on en compte deux. Tout d’abord, situés au nord d’Argelès-sur-Mer, les 160 hectares de la Réserve Naturelle du Mas Larrieu sont un écrin d’une biodiversité fabuleuse entre le grau de la Riberette et l’ancien déversoir du Tech.
De plus, la Réserve Naturelle Nationale de la Massane, également dénommée forêt des Couloumates, située dans la partie la plus orientale du massif des Albères, s’étend sur 300 ha, entre 600 et 1150 m d’altitude avec comme point culminant le Pic des 4 Termes. Elle se trouve à un véritable carrefour biogéographique. Cette forêt est constituée en majeure partie par des hêtres.
Argelès-sur-Mer est située au creux du massif des Albères. Ce massif montagneux s’étend sur le sud du département des Pyrénées-Orientales. Avec un paysage boisé, notamment une forêt de chênes-lièges, vous pourrez vous promener à travers des paysages différents et ombragés.
Ensuite, il y a le port d’Argelès-sur-Mer, situé à l’intersection des côtes rocheuse et sableuse.
La commune œuvre pour que la saison touristique dure le plus longtemps possible, du 1er avril au 31 octobre. Mais la demande touristique est forte toute l´année.
Notre ville est la station balnéaire la plus fréquentée, 90% des personnes y reviennent.
Outre la nature, existe-t-il des sites culturels ou historiques immanquables ?
Il faut savoir qu’Argelès-sur-Mer a une particularité que je ne vous ai pas encore dite. Lors de la guerre civile en Espagne, lorsqu’il y a eu ce qu’on appelle la Retirada, Argelès-sur-Mer, pourtant sans moyens de le faire, a accueilli 200 000 réfugiés en quelques semaines.
Aujourd’hui, nombre de leurs petits-enfants, viennent à Argelès-sur-Mer pour faire du tourisme, mais en visite aussi, pour essayer de revivre, d’essayer de comprendre l’itinéraire de leurs grands-parents. Un musée a été créé à cet effet. Le cimetière des Espagnols également a son importance ; on y rend hommage à tous les enfants qui sont nés et morts dans le camp… C’était en hiver, au début, il faisait très froid, les réfugiés n’avaient pas de quoi se protéger.
Donc, c’était une histoire terrible qui a beaucoup marqué les argelésiens.
Et actuellement, avez-vous des évènements communs avec vos voisins espagnols, au niveau de la culture, de l’éducation ou du sport ?
De temps en temps, on en fait, mais ce sont des initiatives sporadiques. Par exemple, quand on fête l’anniversaire du stade Éric Cantona. Éric Cantona est un joueur de football dont les parents ont fui le régime franquiste et sont passés par Argelès-sur-Mer. On a organisé un match international entre l’équipe d’Argelès et des joueurs espagnols.
Nous cherchons beaucoup à développer les relations transfrontalières parce que Argelès est très prisée par les habitants des régions de Gérone et de Barcelone qui reviennent toujours plus nombreux chaque année.
On est en train de tenter de faire des jumelages et partager la culture que nous avons en commun lors de fêtes patronales et de fêtes du village. On fait danser le géant, ce qui est une tradition catalane. Ce sont des coutumes qui ont perduré en Catalogne espagnole et qu’on est en train de réintroduire chez nous en Catalogne française.
Au niveau éducatif, nous avons créé une école d’enseignement bilingue, c’est-à-dire que les enfants y étudient en français et en catalan. Et ensuite, nous essayons de mettre en place des échanges entre les écoles pour que les petits français et les petits catalans puissent passer une semaine ensemble.
Une question que je ne peux pas omettre – c´est le tourisme gastronomique. Qu’est-ce que vous pouvez proposer à vos touristes à ce niveau ?
Ce sont les plats au barbecue. Ici on l´appelle la grillade. C’est vraiment le centre mondial de la grillade de la Catalogne française. Et donc, la grillade, que ce soit de la saucisse, de la ventrèche, de la poitrine salée… tout ce que vous voulez, c’est vraiment la tradition culinaire.
Et ensuite, nous avons quelque chose qui fait peur à beaucoup de monde, qui est absolument délicieux : c’est la cargolade, entendez, grillade d’escargots. C´est un des étendards de la gastronomie chez nous.
En plus, il y a deux plats cuisinés, qui sont véritablement typiques de chez nous. D’abord, vous avez l’ouillade. C’est une potée à base de choux, de pommes de terre, et de sagi. Le sagi (le saindoux ranci) est le morceau de graisse extrait de la paroi abdominale du porc, salé au sel sec pour assurer sa conservation puis roulé dans sa peau, très ferme. Le sagi, ça a un parfum, quand on sait l’utiliser, ça parfume toute une cuisine de manière absolument extraordinaire, et c’est très typique de chez nous. Ça plaît à beaucoup de monde, ça plaît surtout aux gens des classes un peu aisées, alors qu’en fait, ça représente la cuisine des classes populaires.
Le deuxième plat qui plaît, ce sont les boles de picoulat, c’est-à-dire les boules de viande cuisinées en sauce.
Aimez-vous cuisiner ?
Oui, je suis très bon cuisinier, j’adore ça, et je fais très bien l’ouillade, je fais très bien les boles de picoulat, je fais très bien les escargots. Mais je ne vais pas révéler mes recettes à vos auditeurs !
Comment le niveau de la vie a-t-il changé au cours de la dernière année ? Quel est le taux d’inflation ? Quel est le taux de chômage ?
Le taux d’inflation national a été de 7,3 il y a deux ans et de 5,9 l’année dernière. Le taux d’inflation réel, maintenant, est tombé aux alentours de 2,5. Les taux bancaires ont beaucoup augmenté, ce qui fait que les emprunts ont beaucoup diminué, les gens ont beaucoup moins emprunté parce que c’est cher.
Et donc, toute l’activité économique autour du bâtiment et de l’achat et de la vente d’appartements a beaucoup baissé. Cette année, on a senti que l’inflation s’est répercutée sur la consommation. Les touristes sont venus en nombre, mais la moyenne des dépenses par touriste a baissé par rapport à l’année dernière. Cette année a été moins bonne que l’année dernière. Mais nous, on s’en sort beaucoup mieux que beaucoup d’autres. Parce que nous proposons énormément d’accueil en camping. Et les gens qui habitent dans les grandes villes ont cette envie d’aller en camping. C’est un mode d’accueil qui plaît beaucoup.
Et quel est le coût moyen du mètre carré dans l´immobilier ?
S’il est dans un lotissement, c’est 250 000 euros pour 50 mètres carrés. Si vous prenez un appartement avec la vue sur la mer, c’est au moins 400 000 euros pour 50 mètres carrés.
Quels sont les principaux projets d’investissement de la ville ?
Les principaux projets aujourd’hui, c’est toute la réfection du front de mer sur à peu près 3 kilomètres pour faire des espaces d’accueil de sports intergénérationnels. On va faire des parcours paysagers, adaptés pour tout type de personnes, pour que les familles puissent passer un long moment avec les enfants de tous âges. Et finalement on est en train d’agrandir le port. C’est un projet extrêmement important pour accueillir des bateaux plus grands.
Argelès-sur-Mer, c’est une ville ancienne qui se trouve morcelée. Le quartier du port, la zone verte, le quartier de la plage se sentent détachés. C’est comme si Argelès-sur-Mer était un archipel avec les petites “îles” autour. Je voulais faire en sorte que cet archipel soit réuni. Pour ça, on a beaucoup amélioré la route. On a refait des pistes cyclables extrêmement sécurisées et très agréables parce qu’elles sont arborées, paysagées, végétalisées.
On a mis en place un service de transport avec des bus électriques quasiment gratuits, ce qui fait qu’on a toute facilité à se déplacer.
Ensuite, on est en train de créer des services publics, par exemple, le service postal à la plage. Comme ça, on est en train de faire en sorte que ces petites îles, petit à petit, soient intégrées à la grande.
Et, pour terminer, quelques mots sur vous. Qu’est-ce que vous aimez en plus de cuisiner ?
En plus de cuisiner, j’aime cuisiner. Quand je finis mes réunions, parfois elles sont un peu tendues, un peu difficiles, ça arrive de temps en temps, j’ai beau arriver même à minuit à la maison, je me mets à cuisiner. Parce que c’est ce qui me vide l’esprit et j’adore ça.
Sinon, ce que j’aime aussi, c’est vraiment aller du côté de la Catalogne espagnole, où je trouve que les traditions vraiment catalanes sont beaucoup mieux conservées. Et moi, j’adore me replonger dans ces racines catalanes. J’aime beaucoup la région d’Olot, la Garrotxa. Et j’adore aussi de temps en temps faire un grand tour par l’Andorre pour passer du côté de la Seu d’Urgell… J’aime faire ces balades avec mon épouse.
Sinon, dès que je peux, mais ce n’est pas souvent, j’aime beaucoup aller me reposer dans des endroits où il n’y a personne. J’aime bien aller chercher un peu le calme.
Et puis, je suis un papa comblé, puisque j’ai quatre enfants, trois garçons et une fille. Et j’ai cinq petits-enfants qui me capturent et qui me prennent à chaque fois que j’ai du temps libre à la maison.