Andorre n’a pas la prétention d’être un membre à part entière de l’UE, mais un accord d’intégration nous permettra de vendre nos produits à plus de 700 millions de personnes, estime le chef de la diplomatie d’Andorre, Gilbert Saboya

Gilbert Saboya

Dans une interview all-andorra.com, le ministre des affaires étrangères d’Andorre, Gilbert Saboya, donne les principaux résultats de la politique étrangère du gouvernement d’Andorre et les objectifs 2016:

Interview : Irina Rybalchenko

Parlez-moi s’il vous plaît des principales activités auxquelles le Ministère des affaires étrangères d’Andorre a participé au cours de la dernière année?

L’une des principales activités de l’année 2015 a été les négociations au sujet de la conclusion d’un accord de coopération avec l’Union européenne (UE), qui a eu lieu à Bruxelles le 18 mars 2015. Les négociations se sont passées avec la participation de deux autres états européens, Monaco et Saint-Marin. Les négociations avec l’UE ont commencé il y a environ 5 ans. En 2011, nous avons reçu une réponse positive, ce qui implique une nouvelle occasion de collaborer et d’établir des relations plus productives. En décembre 2014, les trois pays ont signé un accord pour avoir accès à l’intérieur du marché européen. Cet accord est très important pour l’Andorre. Il nous donne la possibilité d’offrir des produits et des services et d’entrer en concurrence avec d’autres pays du marché européen intérieur.

Toutefois, il est important pour nous, que cet accord tienne compte de la spécificité d’Andorre – un pays avec une population d’environ 70 000 personnes. Pour nous, un exemple de la relation entre un petit état et l’UE est le Liechtenstein. Ce pays est entré dans l’espace économique de l’UE il y a 20 ans et pendant tout ce temps le développement a réussi. Nous communiquons régulièrement avec les autorités du Liechtenstein: en 2014, une délégation officielle d’Andorre a visité ce pays pour étudier le modèle existant.

Quand Andorre prévoit-t-elle de signer un accord avec l’UE?

Je pense que le document sera signé au cours des deux prochaines années. La date exacte n’est pas connue encore. Mais, à en juger par l’expérience des autres pays – le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande, – la date d’échéance sera presque identique. Je dirais que c’est “le progrès de travail”. Aujourd’hui c’est l’objectif principal de notre politique étrangère. Nous ne prétendons pas devenir membre à part entière de l’UE. Ce n’est pas notre objectif et je suis sûr que ce n’est pas l’objectif de l’UE. En plus des avantages économiques, l’intégration avec l’UE donnera une possibilité à la population d’Andorre d’étudier et de travailler dans les pays de l’UE. Les résidents d’Andorre doivent avoir une possibilité pour développer leurs compétences professionnelles, acquérir des connaissances à l’intérieur comme à l’extérieur de notre pays.

Quelle est la position des pays voisins – celle de la France et de l’Espagne – sur ce sujet?

Ils nous soutiennent. La meilleure preuve est la signature d’un accord sur la suppression de la double imposition avec les deux pays. En outre, le premier ministre Espagnol Mariano Rajoy et le Premier ministre Français Manuel Valls ont visité notre pays l’année dernière. Dans les deux cas, c’étaient les premières visites officielles des premiers ministres des deux pays en Andorre.

Quels sont les pays qui ont déjà signé un accord sur la suppression de la double imposition avec l’Andorre? Quels sont les premiers résultats?

Un accord sur la suppression de la double imposition est très important pour l’Andorre. L’objectif est compris dans le titre du document. Il permettra d’éviter le double paiement de l’impôt. Dans cette perspective, la conclusion de tels accords sera de développer la croissance des exportations de nos services. Aujourd’hui, un accord sur la suppression de la double imposition est entré en vigueur avec la France. Comme prévu, l’accord avec l’Espagne entrera en action à la fin du mois de février. Nous avons signé un document avec le Luxembourg, il a déjà été ratifié par les parlements des deux pays et devrait bientôt entrer en action.

L’année dernière, nous avons signé des accords avec le Liechtenstein, le Portugal et les Émirats Arabes Unis. En novembre dernier, un document a été signé avec Malte. Chypre et l’Estonie sont sur la liste d’attente. Nous menons des négociations avec le Kazakhstan.

Comment la conclusion des accords sur la suppression de la double imposition avec de nombreux pays aura une incidence sur le flux des investissements étrangers en Andorre? 

Nous avons enregistré une première expérience positive en matière d’investissements étrangers indépendamment des accords sur la suppression de la double imposition. C’est arrivé grâce à la loi sur les investissements étrangers, qui a été adoptée en 2012. Les résultats sont les suivants: le volume des investissements étrangers depuis 2 années d’application de la loi s’élève à environ 2% du PIB. C’est sans tenir compte des investissements dans le secteur de l’immobilier. Ce sont seulement des investissements d’affaires. En 2013, la croissance globale du PIB a été de 0,3%, en 2014 – de 2,3%. Nous attendons aussi des résultats positifs en 2015. Je suis sûr qu’un accord sur la suppression de la double imposition avec d’autres pays nous aidera à atteindre des résultats plus significatifs dans l’avenir.

À quel niveau les négociations sur la conclusion d’un accord sur l’échange automatique d’informations fiscales sont-elles avec l’Andorre? 

Ce processus a 2 composantes. La première est à l’échelle mondiale. L’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment signé un accord multilatéral avec l’Andorre, qui permettra de faire un pas en direction de l’exécution des obligations de l’échange automatique d’informations financières jusqu’en 2018. C’est à ce moment-là que l’accord sur l’échange automatique d’informations fiscales entrera en vigueur. Ce document a été signé à New Delhi (Inde) en décembre dernier.

Le deuxième élément est à l’échelle européenne. Nous avons signé un accord avec l’UE concernant l’échange d’informations fiscales le 1er juin 2005. Selon ce document, l’Andorre est tenue d’appliquer des mesures équivalentes à celles qui sont énoncées dans la directive de l’UE sur la fiscalité de l’épargne. En 2004, l’Union européenne a signé un accord similaire avec quatre autres pays, qui ne sont pas membres de l’UE, mais sont des centres financiers du monde: le Liechtenstein, la Suisse, Monaco et Saint-Marin. Depuis 2005, ces cinq pays sont impliqués dans les négociations sur la poursuite de la coopération dans le domaine de l’échange automatique d’informations fiscales.

À la fin de l’année 2015, l’Andorre a signé le début d’un accord sur l’échange automatique d’informations fiscales avec l’UE, basé sur le modèle de l’OCDE. Le document doit être définitivement signé au début du mois de février 2016 et entrera en vigueur en septembre 2018.

Comment ce processus aura-t-il une incidence sur la compétitivité du secteur bancaire en Andorre?

Aujour d’hui, l’Andorre est plus connu sur le marché international comme un pays où règne le secret bancaire. Cependant, le système financier andorran a changé et les banques ont commencé à diversifier leurs services. Aujourd’hui, l’objectif principal des banques andorranes est une expansion sur le marché mondial. Je veux dire, pas seulement les pays voisins – la France et l’Espagne – mais aussi des pays d’Europe Centrale (en particulier, le Luxembourg), ainsi que des pays d’Amérique Latine. Et si les banques d’Andorre veulent être des concurrentes sur
le marché financier international, elles sont tenues de travailler selon les règles de ce marché et respecter les normes de transparence internationale dans le domaine des services financiers.

Par conséquent, un accord de coopération avec l’UE, dont j’ai déjà parlé, fournira de nouvelles conditions d’accès au marché financier européen pour les banques andorranes et permettra à leurs produits et services de rentrer dans la concurrence à égalité de chance avec les autres acteurs du marché.

Une signature d’accords sur l’échange d’informations fiscales aidera-t-il Andorre à se débarrasser enfin de la réputation de “paradis fiscal”?

Toutes les institutions financières internationales doivent être transparentes. Andorre a prouvé sa transparence et a été éliminée de la “liste noire” de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 2010. Par conséquent, nous avons reçu tous les droits de ne plus être appelée comme “paradis fiscal” selon tous les critères de l’OSCE. En outre, l’Andorre a signé une convention multilatérale sur la coopération en matière fiscale de l’OCDE en 2013. Les bases de la convention sont la coopération et l’échange d’informations fiscales et la protection des droits des contribuables.

Maintenant, nous parlons de l’échange automatique d’informations fiscales, qui entrera en vigueur en 2018. Certainement, ce sera un grand développement dans le domaine de la transparence fiscale.

Selon des médias internationaux (en particulier, the Economist et the Guardian), l’Andorre est dans la “liste noire” jusqu’à présent. Comment l’expliquez-vous?

Je connais l’existence de la soi-disant liste de l’UE, qui a été publiée sur le site de l’UE en juin dernier. Nous avons établi que cette liste ne correspond pas à la réalité, à la différence de la liste OCDE, dont j’ai déjà parlé. Il s’agit de la liste des pays-membres de l’UE : elle n’utilise pas les critères convenus, elle n’a pas été mise à jour depuis 2010 et elle ne tient pas compte de l’évolution de notre système d’imposition. En particulier, l’Andorre a été incluse dans la soi-disant “liste espagnole”, dont la validité n’a pas été confirmée par les autorités espagnoles. En conséquence, la liste a été supprimée sur le site officiel de l’UE.

Avec quels pays l’Andorre a-t-elle des relations diplomatiques et dans quels pays est-elle présentée officiellement?

Nous sommes présents à Paris, Madrid, Bruxelles, Lisbonne, Genève et Strasbourg. Nous avons également des missions diplomatiques à New York (en charge des relations avec les Nations-Unies) et à Vienne (en charge des relations avec l’OCDE). Andorre a aussi des ambassadeurs non-résidents dans la cité du Vatican, au Liechtenstein, à Saint-Marin et à Monaco.

L’Andorre prévoit-t-elle d’étendre ses relations diplomatiques?

Nous aimerions être plus présente en Europe du Nord et en Europe de l’Est, ainsi que sur l’espace ibéro-américain. Nous sommes intéressés par le développement de relations diplomatiques avec les pays asiatiques aussi. Récemment, nous avons eu plusieurs visites officielles dans les pays d’Amérique Latine, la Chine et les Émirats
Arabes Unis dans le but de renforcer notre coopération diplomatique.

Quels sont les pays qui envisagent de développer leurs missions diplomatiques en Andorre, à l’exception de l’Espagne et de la France? 

Le nombre de consuls honoraires en Andorre augmente chaque année. En 2014, les consuls honoraires de la République Tchèque, de la Slovaquie, de la Pologne et de la Corée du Sud sont apparus. Nous soutenons ces initiatives.

Dans quelles organisations internationales publiques et politiques l’Andorre
participe-t-elle?

Je dirais les principales organisations. Ce sont les Nations Unies et le Conseil de l’Europe. La participation de l’OSCE sur les questions de sécurité est important également. Nous sommes fiers d’être membres de “l’Organisation internationale de la francophonie” et au “Secrétariat des états ibéro-américains”. L’adhésion à ces deux organisations est important du point de vue de la coopération dans le domaine de la diplomatie, de l’économie et de l’éducation.

En 2016, Andorre-la-Vieille a reçu le statut de capitale culturelle latinoaméricaine. Quels événements sont-t-ils prévus?

Nous prévoyons quelques événements culturels, y compris un concert de la célèbre chanteuse mexicaine Julieta Benegas. En outre, je voudrais souligner 3 événements politiques.

En septembre 2016, nous allons accueillir en Andorre un groupe de travail des ministres de l’éducation des pays ibéro-américains ou des représentants de niveau haut du Secrétariat général des états ibéro-américains se réuniront. Le développement du système éducatif est une des priorités d’Andorre. Je suis sûr que c’est un moyen très efficace pour le renforcement de nos relations sur l’espace ibéro-américain.

Après cet événement, le grand sommet se tiendra à Cartagena de Indias (Colombie) en décembre 2016. Andorre a reçu une invitation et participera à l’événement “Global Education First Initiative”, sous la présidence de Ban Ki-moon, le 8ème Secrétaire général des Nations Unies (Andorre a reçu une telle invitation à la suite de la visite officielle de Ban Ki-moon en principauté).

Le troisième événement politique et économique est la rencontre des membres du SICA (Central American Integration System) en Andorre. Cette organisation économique et politique comprend les pays d’Amérique Centrale: le Guatemala, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica, Panama, la République Dominicaine et le Mexique. Le Chili, le Brésil, la Chine, l’Espagne, l’Allemagne et le Japon sont des observateurs extra-régionaux. Le SICA participe en tant qu’observateur aux sessions de l’assemblée générale des Nations Unies et possède des bureaux au siège de l’ONU. L’événement en Andorre est prévu pour juin 2016.

Dans quels projets internationaux de maintien de la paix et humanitaires l’Andorre participe-t-elle? 

Nous participons à des actions bénévoles. Il y a 3 directions: l’éducation, l’aide aux enfants et l’égalité. Des projets de coopération dans ces domaines impliquent notre présence dans les pays d’Afrique et d’Amérique du Sud.

Quelle est la position d’Andorre par rapport au conflit militaire en Syrie? Est-ce qu’Andorre est prête à accepter des réfugiés?

Nous interagissons avec l’UE et sommes prêts à faire des efforts en matière de solidarité. Compte tenu de la taille de notre pays, nous sommes prêts à prendre 40 réfugiés. Peut-être que c’est peu, mais c’est en proportion de nos capacités. Maintenant, nous travaillons avec les autorités de l’UE sur des questions de sécurité et de dépistage, afin d’avoir des dossiers sur les réfugiés qui peuvent s’installer chez nous.

Un budget à cet effet existe-t-il? 

Non, mais nous trouverons des moyens provenant d’autres postes de dépenses de notre budget total. Les événements en Syrie étaient imprévisibles et nous ne pouvions pas prévoir des ressources. Mais je suis sûr que le parlement d’Andorre ne sera pas contre le vote pour l’approbation de ce budget en cas de besoin .

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