Nous avons 3 saisons : la saison de ski, la saison des cures thermales et nous avons le tourisme de montagne, a dit maire de Ax-les-Thermes, Dominique Fourcade

Dominique Fourcade, maire de Ax-les-Thermes, la ville proche d’Andorre en France (environ 60 km), a parlé à all-andorra.com des principales attractions de la ville et de la coopération avec Andorre.

Interview : Irina Rybalchenko

Quelle est l’histoire de votre ville, Ax-les-Thermes, son origine?

C’était une petite ville qui était à la croisée des vallées et qui vivait du commerce des vallées, et l’agriculture, qui était très tournée vers la Catalogne. On a retrouvé des vestiges du passé qui prouvent que les échanges commerciaux au Moyen-Âge se faisaient plus avec la Catalogne qu’avec le reste de la France.

Ensuite, nous avions la chance d’avoir de l’eau thermale et on raconte que le roi Saint Louis (Louis IX) lors d’une croisade avait décidé de créer un hôpital à Ax-les-Thermes pour soigner les lépreux. Il semble que ce soit à l’origine de la ville : les commerces des vallées et cet hôpital pour soigner les gens. Lors des années 1900, avec l’avènement du thermalisme et l’arrivée du train à Ax-les-Thermes, que la ville s’est changée et est devenue une cité à vocation vraiment touristique. Le thermalisme fonctionnait toute la saison d’été.

En hiver non?

En hiver très peu de thermalisme. Maintenant oui. C’est de là qu’Ax s’est transformée. D’un petit village de montagne, elle est devenue une ville thermale et touristique. On est sûrement une des premières villes à avoir vécue du thermalisme en Ariège. Notre vocation touristique aujourd’hui remonte quasiment à deux siècles. On sait accueillir les gens qui viennent d’ailleurs.

Ensuite en 1956, on a créé la station de ski. Et là, on a travaillé le tourisme et l’été et l’hiver. Ce qu’on fait aujourd’hui. On a une vocation essentiellement touristique. L’économie qui existait avant des retombées des villages, nous avions les commerces, eux vivaient d’élevage et d’agriculture, n’existe quasiment plus. Maintenant c’est Ax au contraire qui donne l’économie au village et qui permet aux gens d’habiter dans les villages parce qu’ils travaillent tous sur Ax-les-Thermes.

Quel est le nombre d’habitants de la ville?

C’est petit! Il y a 1300 habitants mais avec l’occupation touristique, on est à 16000. Donc beaucoup d’accueil touristique, beaucoup de résidences secondaires. C’est tout petit mais les gens autour disent la ville d’Ax. On a un budget équivalent à celui de la ville de Foix ou de Pamiers. Entre la station de ski, les thermes, etc on a quand même un budget conséquent.

Quels sont les principaux chiffres de l’économie de la ville?

Le chiffre d’affaires de la station de ski cette année est de 9 millions d’euros. 200 000 nuitées, 500 emplois induits. Pour le thermalisme, ce sont 6 000 curistes par an. Pour un curiste, il y a 0,7 accompagnant ce qui fait environ 10200 personnes qui viennent pour le thermalisme. Comme ils restent 18 jours, ça fait à peu près 185 000 nuitées. C’est important les nuitées car c’est l’économie de la ville.

Ensuite nous avons le tourisme de montagne : randonnée, sports outdoor, VTT avec la station de ski l’été, VTT de descente, escalade, canyonning… Nous avons plus de mal à évaluer le nombre de nuitées mais c’est important aussi.

Ce qui est important de dire c’est qu’à Ax-les-Thermes, nous avons 3 saisons : la saison de ski qui va de décembre à avril, la saison des cures thermales qui démarre fort du début avril jusqu’au mois d’octobre, et nous avons le tourisme de montagne qui va de juin à octobre.

Septembre et octobre sont les gros mois du thermalisme. Quand nous parlons de thermalisme, il s’agit de tourisme de santé. Nous avons aussi du tourisme de bien-être avec un petit centre thermo-ludique, comme Caldea en plus petit qui s’appelle Les bains du Couloubret et qui amène 135000 entrées par an.

Il y a aussi un petit casino privé. Les bains du Couloubret c’est à moitié privé. C’est construit par la commune et c’est un privé qui le gère pour notre compte. On a fait ce qu’on appelle une délégation de service public. Le groupe qui dirige s’appelle Eurothermes gère le centre thermo-ludique et des établissements thermaux. Sur les deux établissements, un appartient à la commune et l’autre qui leur appartient où il y a une résidence intégrée « Le Grand Tétras ».

Le casino – c’est pareil. Les murs appartiennent à la commune et c’est géré par la société Joa Casino.

On a aussi un hôpital à Ax-les-Thermes. C’est un vrai hôpital avec une partie maison de retraite et l’autre hôpital où l’on fait la rééducation fonctionnelle. Il est très performant, il a une soixantaine de lits. Les gens viennent de toute l’Ariège. Ça s’adresse aux polytraumatisés, ceux qui ont besoin d’être hospitalisés pour suivre leur rééducation. C’est un véritable plateau technique avec une piscine qui a la particularité d’être à l’eau thermale.

Quelle est la composition de cette eau?

Elle est sulfuro-sodique. Ce n’est pas la même composition que celle de Caldea. Nous elle est fortement sulfurée. C’est aussi l’eau la plus chaude des Pyrénées, elle est à 76 degrés. C’est important car ça garantit la qualité au niveau bactérien. A 76 degrés, on se brûle.

A l’époque de Saint Louis, et ça a duré jusqu’à la fin du siècle dernier, on y pelait les cochons. On les mettait dans l’eau sulfureuse directement et pour les peler c’était pratique. L’eau était utilisée à des fins thérapeutiques mais aussi domestiques, pour les cochons mais aussi pour nettoyer par terre chez eux. Ils s’en servaient pour faire la cuisine aussi. Parce qu’autant elle sent mauvais comme ça, quand on la fait bouillir on faisait la soupe, le café.

Une chose encore. L’eau est complètement naturelle. Pour l’eau thermale, il est strictement interdit d’ajouter quoi que soit. L’eau thermo-ludique c’est différent. Elle est traitée. Les contraintes dans les établissements thermaux sont plus sévères que dans les hôpitaux. Ils ont droit à zéro bactérie. Et cela sans traitement. Nous avons la chance d’avoir une eau très chaude. Pour traiter, on fait passer cette eau et cela provoque une pasteurisation.

Notre eau est une eau minérale naturelle ce qui veut dire qu’elle a tout le temps la même composition physico-chimique. Elle ne varie jamais. C’est une eau qui est très vieille. Elle est tombée dans les montagnes il y a 8000 ans. Elle est descendue à 4000 m de profondeur et elle remonte très vite. C’est pour ça qu’elle est très chaude. Quand vous allez à la fontaine, c’est de l’eau qui est tombée en pluie à l’âge de l’homme de bronze! C’est une ressource qu’il faut ménager, qu’on ne peut pas utiliser n’importe comment. On est limité sur les volumes. On l’utilise à des fins thérapeutiques. L’eau rejetée est réutilisée pour chauffer les rues et éviter l’enneigement. On n’a pas le droit de pomper pour chauffer les bâtiments. Cette eau est trop vieille et on pourrait mettre en péril la ressource.

À L’Hospitalet, il y a aussi une eau identique. La commune est propriétaire d’un forage et on va implanter une usine d’embouteillage d’eau minérale. Elle a aussi une classification eau minérale mais elle très jeune. Elle est tombée il y a 5 ans. 5 ans, 8000 ans, ce n’est pas pareil. Celle -là est très peu chargée en éléments physico-chimiques ce qui est un gros avantage. Elle sera potable pour les nourrissons.

Y a-t-il beaucoup de pistes de ski?

Oui, il y a 75 km de pistes. C’est beaucoup moins que le Pas de la Case mais on a un ski un peu moins bleu! On a un ski un peu plus rouge et un peu plus noir. On a 3 domaines dont un qui se prête beaucoup ski hors-piste et relativement sécurisé. On a des espaces enfants qui sont très poussés puisqu’on a créé une entrée de station il y a deux ans avec tout un parc fermé, très sécurisé, où il n’y a que des modules pour les enfants. C’est le bas de la station. On a une crèche au top, toute neuve, pour l’accueil des tout petits.  On a une station pour l’accueil des familles mais aussi un ski un peu plus jeune et dynamique avec le ski hors piste.

Vous organisez des compétitions?

Jamais du niveau international. A part cet été on a fait une Maxiavalanche. Ça correspond un peu à une coupe d’Europe en vélo de descente. En ski, c’est jamais de très très haut niveau.

Vous avez des statistiques sur les touristes qui fréquentent votre ville?

C’est très difficile de savoir qui sont vraiment nos touristes car c’est très différent entre ceux du thermalisme et ceux du ski, ce n’est pas évident à savoir. Mais on a essentiellement une clientèle de proximité issue essentiellement du bassin toulousain et de Bordeaux. Nous avons un peu de clientèle étrangère, mais peu, quelques Anglais et quelques Espagnols. Nous souhaitons nous tourner plus sur une clientèle internationale mais nous avons besoin de monter en gamme sur l’hôtellerie. Et là nous avons plusieurs projets d’hôtels 4 étoiles qui nous permettront de nous commercialiser à l’étranger. Pour le moment on n’est pas encore vraiment opérationnel. Nous avons des projets, nous sommes propriétaires de terrains, nous avons des investisseurs qui sont intéressés pour travailler sur ce type de projet.

Des investisseurs français ou étrangers?

Là, ce sont des investisseurs français, notamment un groupe qui est habitué à travailler sur ce genre de projet. Mais on en cherche encore d’autres.

Y a-t-il d’autres projets d’investissement ici? 

Oui! Parce qu’on est propriétaire de terrains. On vient d’acheter un manoir avec ses terrains. On a ce projet d’implanter un hôtel. On a acheté d’autres terrains pour investir soit dans l’hôtellerie soit dans la résidence hôtelière. Mais on veut rester à la dimension de notre ville.

Quel est l’investissement précisément de votre ville?

Sur la station par exemple, c’est 11 millions. On est une des rares stations des Pyrénées qui équilibre les comptes. On n’est pas obligé de payer pour faire tourner la station. On a une gestion rigoureuse.

Comment vous cherchez les investisseurs?

Il y en a qui viennent vers nous. Une étude faite par la Caisse des dépôts et des consignations acte bien que nous avons besoin d’une montée en gamme des investissements. Cette montée en gamme permettrait à la commune de franchir un cap et d’attirer des investisseurs. Cette étude est très probante et nous a aidés à trouver des investisseurs.

En ce qui concerne le marché immobilier, quelle est la dynamique ici?

En centre-ville, on tourne à 3000 € le m2 à peu près. Par contre, la commune cherche à créer des logements accessibles à la population. Le problème d’Ax c’est que chaque fois qu’une maison est à vendre, c’est pour en faire une résidence secondaire ou un projet touristique. Du coup, pour les gens c’est plus difficile d’accéder à la propriété. On veut éviter ce qui se passe dans certaines stations. Que les gens soient obligés d’habiter à une trentaine de kilomètres.

Vous avez des chiffres sur l’immobilier?

Nous avons des chiffres sur la station de ski. Un euro de la station c’est 7 euros sur le territoire. Sur les investissements c’est pareil. On sait qu’on a 11 millions d’investis. Ce seront 77 millions d’euros d’investissements sur le territoire. En 2020, on devrait investir à nouveau 11 millions.

Nous aurons besoin de trouver des investisseurs sur Mérens. Il faudra construire des hébergements.

Comment vous souhaitez améliorer la station de ski?

En faisant des travaux régulièrement, sur les pistes par exemple. Tout le bas de la station a été remodelé. Pour les enfants, les familles. Maintenant, on s’attaque au haut de la station. Mais on garde les pieds sur terre. On ne fait pas de trop gros investissements. On ne veut pas perdre notre âme! On veut garder le charme du petit village de montagne. La ville d’Ax à 750 m d’altitude est un vrai village et les gens aiment bien monter à la station pour skier et vivre dans le village pyrénéen.

Les visiteurs de notre site nous demandent souvent : « Qu’est-ce qu’on peut voir autour d’Andorre? ». Qu’est-ce que vous nous recommandez dans la région d’Ax?

Il y a le ski mais une simple visite à la journée est possible. Il y a les différents bassins. La spécificité d’Ax-les-Thermes au niveau du patrimoine c’est qu’on a fonctionné avec ce bassin qui était adossé à l’hôpital, le bassin des Ladres qui a été réhabilité. On a mis en avant l’eau thermale un peu partout dans la ville. Il y en a un à côté du casino.

Entre le casino et les bains du Couloubret, il y a un autre bassin où les gens peuvent se tremper. On en a créé un de moderne avec des jets de vapeur parce que la spécificité d’Ax c’est de soigner les gens avec des vapeurs et non pas de la boue comme ailleurs. On a beaucoup de fontaines d’eau thermale, avec des explications pour les visiteurs, avec différents parcours.

Et en ce qui concerne la culture?

Nous avons des événements culturels oui! Ça commence au mois d’avril. Pour débuter la saison de sport outdoor, on a un festival des sports outdoor cinématographiques avec des films sur tous les sports de montagne, escalade, alpinisme, ski… Il est d’intérêt national, il s’appelle « Expno ». Pendant l’hiver, il y a aussi 2 jours sur le ski.

Un an sur deux, on a un festival d’accordéon de très très haut niveau qui a lieu au mois de mai.

Pendant l’été, on a un festival de spectacles de rue. Notre directeur artistique a est le même que celui d’Aurillac qui est le plus important en France. On est reconnu par le ministère de la Culture. Il est labellisé, il y en a peu. Notre festival est particulier car il commence en montagne avec des randonnées avec une troupe qui fait du théâtre en montagne puis descend dans les villages avant d’arriver à Ax les derniers jours. Ça existe depuis 20 ans et ça évolue tout le temps.

On a les fêtes européennes avec nos villes jumelées, en Espagne et en Italie, pour mettre l’Europe en avant. On a un festival des saveurs à l’automne. Il met la gastronomie et les produits du terroir en avant. Pendant l’hiver on a beaucoup de musiques actuelles mais qui se décline sur les week-ends.

Avez-vous des programmes avec l’Andorre ou c’est compliqué?

On avait rencontré des personnes de l’Ambassade. On a rencontré la ministre de l’Agriculture, Silvia Calvó, qui était venue pour le festival des saveurs. On avait rencontré une autre ministre pour l’énergie. Avec les institutionnels, on ne travaille pas trop. Pour le ski on travaille ensemble.

Comment?

Le partenariat s’est fait pas la base c’est-à-dire que pour la station de ski, on avait besoin parfois de pièces détachées. On appelait les collègues au Pas de la Case. « Est-ce que vous n’avez pas telle ou telle chose? » Pour les commandes, pour la sécurité on mutualise entre les deux stations. Ensuite quand on a créé une SEM (Société d’économie mixte) à capitaux publics avec la commune, la communauté de communes, le département, des partenaires privés et nos amis andorrans qui ont pris des actions chez nous.

On n’a jamais trop travaillé avec l’État andorran. C’est vrai, on peut le dire.

Vous avez la possibilité de faire la publicité de votre commune en Andorre?

Oui mais je n’en vois pas trop l’intérêt! Aller communiquer en Andorre c’est difficile. Là où on met le maximum de communication c’est Toulouse et Bordeaux. Pour nous, vous savez, on préfère se concentrer sur un tourisme de résidence où les gens consomment sur place plutôt que sur un tourisme de passage comme cela a été pendant de longues années. Avec la déviation maintenant, on a moins de pollution, moins de problèmes aussi.

Est-ce qu’il y a un projet futur pour relier l’Andorre à Ax-les-Thermes?

Nous étions totalement ouverts à ça. Nous avions évoqué ce sujet avec la société qui gère la station du Pas de la Case pour avoir un jour une liaison pour les remontées mécaniques. Dans notre projet, on veut faire une porte d’entrée de notre station au village de Mérens. De là, on fera une remontée mécanique qui arrivera directement à la station de ski. Ce qui nous fera une nouvelle porte d’entrée. On a 400 000 skieurs. Sur une entrée ça fait trop de monde. Ce sera plus près de la Catalogne. On accueillera plus facilement une clientèle espagnole.

Il avait été évoqué une liaison train qui irait de L’Hospitalet jusqu’au Pas de la Case. Avec une liaison train, on pourrait avoir une seule station de ski. On est très très partant.

Une liaison bus existe déjà. Tous les jours un bus part du Pas de la Case jusqu’à Ax. On sait que le commerce détaxé du Pas fait partie des motifs d’attraction de notre clientèle thermale.

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