Le patrimoine culturel de la vallée Madriu-Perafita-Claror

Susanna Simon, la directrice de la gestion de la vallée Madriu-Perafita-Claror:

Bien que le patrimoine naturel de la vallée soit extraordinaire, c’est son patrimoine culturel qui a été récompensé par l’UNESCO en 2004. Permettez-moi de vous en dire plus à ce sujet.

Depuis 2003, trois campagnes archéologiques ont permis d’identifier plus de 1500 structures de diverses périodes chronologiques, du Mésolithique (environ 6000 av. J.-C., liées à l’agriculture, l’élevage et l’utilisation de la forêt) jusqu’au 20ème siècle.

La majorité de ces structures restent invisibles pour la plupart d’entre nous, non-scientifiques, mais certaines sont encore visibles et nous permettent de recréer la vie dans les Pyrénées au cours du siècle dernier.

Essentiellement, le territoire fut consacrée à l’agriculture: le fond de la vallée fut utilisé comme une zone de culture pour l’obtention de produits agricoles aussi bien pour la consommation humaine que pour celle du bétail : troupeaux bovins, ovins et équins. En effet, l’élevage fut la deuxième activité de base de la région. C’est ainsi que ces deux activités ont joué un rôle déterminant dans le façonnement du paysage tel que nous pouvons le voir aujourd’hui, et à accroître la biodiversité.

Les activités des agriculteurs et des éleveurs ont favorisé le développement de certaines des caractéristiques de la vallée: les mosaïques apparemment aléatoires des champs de culture, les prés de fauche, les bordes, les cabanes de bergers et les «orris», qui servaient à contrôler les troupeaux et à obtenir la laine et le lait des moutons et des chèvres. Cette interaction entre l’Homme et la Nature a représenté, au fil des temps, un considérable enrichissement de la diversité biologique, mais aussi et très spécialement, du paysage.

Il est facile de trouver des vestiges de ces pratiques dans des endroits qui étaient pas destinés à garder des animaux, tels que la Pleta de l’Estall Serrer et le Tancat de Graus. Aussi, de nombreuses cabanes de bergers sont encore debout: celle de l’Estall Serrer, celle du Serrat de la Barracota, celle dels Estanys, celle de Fontverd, de Setut, de La Farga, de Claror, et de Perafita. Au cours de l’été 2016 et 2017, ces cabanes de berger suivront des travaux de conservation afin que ce patrimoine soit préservé.

Il reste aussi 15 bordes debout, qui fournissaient aux agriculteurs une sorte de champ de base lorsque les terres agricoles étaient loin de leur maison. Ces bâtiments sont plus grands que les cabanes de bergers et avait généralement deux niveaux: l’étable se trouvait toujours au rez-de-chaussée, et les animaux étaient nourris avec le foin qui était stocké dans la partie supérieure du bâtiment.

Toutes les bordes dans la vallée sont des propriétés privées. Ce sont la Borda Sassanat (juste après le pont Sassanat), la Borda de la font del Boïgot, les six bordes à Entremesaigües et les sept Bordes à Ràmio, en plus de six autres constructions en ruines à Ràmio, Fontverd, et à l’entrée de la Plana.

L’industrie du fer a aussi eut sa place dans la vallée Madriu-Perafita-Claror. Au début du 18ème siècle, l’une des plus anciennes forges d’Andorre se trouvait à côté de la rivière, à une altitude de 1990 mètres, dont seuls subsistent les ruines (à La Farga, qui signifie “forge” en catalan). Aujourd’hui, seules les plus de 200 charbonnières nous rappellent cette activité industrielle dans la vallée.

Les sentiers qui traversent la vallée sont le point de convergence de toutes ces activités qui ont eu lieu au fil des années, et en même temps, ils sont un symbole et un témoignage de la présence humaine dans la vallée. Ils ont été ouvertes grâce aux différentes activités humaines qui s’y sont développés, et dans de nombreux cas, ils complémentaient des activités spécifiques, de telle manière que l’abandon de ces activités ont conduit à la fossilisation dans le paysage de certains de ces chemins.

Ces chemins ont été empruntés dans les premiers temps par des agriculteurs, des éleveurs, des faussaires et des commerçants, plus tard, par des réfugiés, des voyageurs et des contrebandiers, et aujourd’hui par des randonneurs, ce qui en fait un symbole par excellence de l’Histoire de la Vallée et de l’Andorre.

Le chemin pavé de la vallée Madriu-Perafita-Claror (ou chemin de la Muntanya) est la colonne vertébrale des voies de communication traditionnelles, et l’un des biens culturels les plus importants de la vallée, qui illustre la condition séculière des Pyrénées non pas comme une barrière mais comme zone de passage. De nos jours, le chemin de la Muntanya affirme son esprit transfrontalier ancestral en devenant une partie du sentier de Grande Randonnée GR7, lui même faisant partie de la route Européenne E4, qui va de la Grèce à Gibraltar.

Les dernières grandes interventions de l’homme dans la vallée ont été, dans les années 1930, les travaux de FHASA. Cette société espagnole a construit plusieurs réservoirs et des conduites d’eau pour alimenter le barrage de la centrale hydroélectrique d’Engolasters. La construction des barrages à Ràmio et à l’Illa, ainsi que celle des collecteurs pour alimenter le barrage d’Engolasters avec un débit suffisant sont aujourd’hui le témoin visible de ces travaux qui furent, en leur époque, part d’un projet à la pointe de la technologie.

Les travaux de FHASA sont intimement liés à l’histoire de notre pays car ils ont contribué à la modernisation et au progrès d’une Andorre jusqu’à alors rurale et isolée du monde, avec une population a souvent forcée a quitter le pays à la recherche de meilleures opportunités. En échange de l’exploitation de trois sauts d’eau pour la production d’énergie électrique, les concessionnaires se sont engagés à construire les routes qui allaient attirer les premiers travailleurs étrangers et la modernité dans le pays.

Ces travaux ont modifié le paysage, mais, comme au auparavant avec l’exploitations des autres ressources naturelles, l’équilibre a été maintenu avec l’environnement.

Comprenez-vous maintenant pourquoi l’UNESCO a reconnu le patrimoine culturel de la vallée Madriu-Perafita-Claror comme exceptionnel?

A bientôt pour d’autres!

Photos: Susanna Simon

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